Ah putain, c’était les 90’s. Best of Trash, Boulevard des Clips, le rock à guitares, une scène française qui faisait bien mieux que de simplement ramener sa fraise. La fusion, celle que « Lofo » percute de plein fouet sur ce premier album enragé mais aussi subtil, teinté de courants musicaux diablement bien intégrés. Une briquette puissante, sans concessions, sociétalement lucide, qu’aujourd’hui At(h)ome ressort, remastérisée par Magnus Lindberg (qui avait déjà remasterisé « Peuh ! » et « Dur Comme Fer » en 2019) et disponible en CD, vinyle et digital. S’il était déjà, du temps de sa naissance chez Virgin/Sriracha Sauce en 1995, saignant et accompli, l’opus trouve là une seconde vie, un son plus adapté encore, qui nous font bien vite oublier qu’il n’offre aucun inédit. On a à peine le temps d’y penser, à vrai dire. Holiday in France et ses scratches, ses riffs lourds et lyrics coup de poing, ses encarts quasi ragga, se rappelle à nos meilleurs souvenirs. C’est le premier pavé d’une série de douze, c’est le crash total et No facho (dub spirit), massif, au refrain aussi efficace que celui de « La jeunesse emmerde le front national » des Bérus, sert ensuite ses guitares plombées, son break dub magnifique. Lofofora, c’est aussi et surtout ça: le melting-pot, destiné aux potes, autour duquel on fait ami-ami. Ca groove de partout, ça rugit dans tous les coins, ça rassemble à grand renfort de standards increvables.
Elvis (martyr et tortionnaire), ramassé, décolle la pulpe à son tour en se fenant d’un solo Primusien. On es groggy, ça fait tout juste trois galettes qu’on dévore et le reste du festin ne manquera pas de nous rassasier. Les meutes, punk-rock/hardcore, assène un coup d’boule sonore qui file et défile sans perdre le fil. Syncopes de la rythmique, souple, et accents fusion, c’est l’une des forces de Reuno et consorts, accroissent l’impact du bazar. Ca joue bien, l’inventivité est de plus constante. L’oeuf, hymne définitif, retentit alors. Celui-là, il se passe de commentaires. C’est le « La peau » des Lofo, on notera d’ailleurs que le titre de No One is Innocent parle le même langage et provient pile-poil de la même ère, du même moule, du même oeuf irai-je même jusqu’à dire. Lofo, c’est du très costaud. Subliminable fait le jazz, avec classe et finesse. Il lui assigne, ensuite, des riffs de tous les diables. Justice pour tous, saignée hardcore sans modération, délivre un coup de bélier qui perfore l’injustice, en moins de deux minutes. Si tu t’ennuies, sur ce disque, alors un sérieux blème tu as. Le désordre funke ardemment, tiens on dirait Infectious Grooves! Avec, comme à l’habitude, cette fantaisie imaginative façon Les Claypool et ses deux fauteurs de troubles préférés.
Nouveau monde, parpaing volubile, remet la cabane au milieu du jardin. Lofo cartonne, Lofo réalise là un manifeste fusion qui distribue des beignes, sait se nuancer et trouve, de A à Z, la note juste. Et nous voilà avec Baise ta vie, lui aussi sans commentaires. Quand t’as écrit ça, tu mets la concurrence dans les cordes. Celle-ci, pourtant, ne manque pas de répondant et ne fait pas dans le redondant. A l’heure du dernier sprint Really TV, où la basse ponctue le truc avec un relief certain, déblatère lui aussi de manière frontale, tout en amenant la mesure qui le rend d’autant plus notoire. En termes de paroles, on fait pas l’mariole. C’est justement dans l’alliage de son brassage musical et de ses mots sans appel que Lofo convainc, se hisse très haut, le poing levé et le registre gavé de compos de haut vol. Ah ben voilà, Irie style suinte un jazz/funk/dub/trash de taré. Pour finir, il ne pouvait mieux faire. Lofofora signe un sans-faute, on salue par conséquent l’idée d At(h)ome et le retour d’un opus qui, à l’aube de ses trente ans, combat comme à la première heure et n’offre aucune faiblesse, étayé par une suite imparable et victorieuse. Si ça pouvait péter à la gueule de tous ces cons…