Virage, ça se nomme bien car c’est en marge, à l’opposé des chemins tracés. Le duo, constitué de François Castiello (accordéon, chant, compos) et Cyril Gilibert (batterie, arrangements), joue effectivement un répertoire complètement indéfinissable, jubilatoire, qui m’évoque La Jungle de par sa formule en duo barjot. Daleco, le tout premier LP de la paire, part explorer des terrains nouveaux, inattendus, sur huit titres un peu pitres mais aussi, et surtout, irrémédiablement passionnants. Le trad est dopé à l’actuel, Castiello le voulait. Pédales d’effets, amplificateurs donnent du coffre et du cachet à ce disque ébouriffant que Melocactus, entre drums de fougue et accordéon fou, inaugure en faisant (très) bonne figure. De suite, on se surprend à « kiffer la vibe » d’un projet délibérément dément. Victime, loin d’en être une, scande une poésie élevée. Il exalte, lancine (du verbe « lanciner » que je viens tout juste d’inventer), s’incruste avec maestria dans nos esprits captifs.
Urgences,…urgent, bouillonnant, saccade et pose des ruades. Le procédé accouche d’un rendu qui, en l’occurrence, flirte avec la BO de film d’action en développant, fatal, ce sens de la différence qui confère à l’excellence. Le titre éponyme, obsessionnel puisqu’il se plait, malin, à réitérer ses sons, me fait headbanger. Si si. Et pas qu’un peu. Virage à la rage, la passion attachée à ses baguettes (de batterie), à sa bretelle (d’accordéon). Virage fait une embardée, percute le décor, signe un Riposta à placer au dessus du tas. Un bazar syncopé, bizarre jusqu’à nous posséder. Il virevolte, presque désinvolte. Gilibert s’y fait souple, sa frappe est sans faille. La symbiose, sur Daleco, revient à ceux qui osent. Break dub (mais si!!!), effluves psyché. Après Bratsch et Lalala Napoli, François Castiello continue à différer. Son batteur l’épaule, volontiers, dans ses écarts. Labyrinthe, sur plus de six minutes hypnotiques, fait son effet. C’est d’ailleurs l’intégralité de l’album, sans contestation possible ni concevable, qui fait qu’on s’en éprend. Psaume, lui aussi sans « lyrics », parvient à me faire oublier l’absence de mots. Il allie calme et épilepsie, comme à la parade.
Photo Charlène Maisonnneuve.
C’est chez La Curieuse que le bordel pointe son nez et croyez-moi, un détour dans ladite structure ne manquera pas de vous extasier. Ah bah tiens, on renoue sur l’ultime cadeau, Spleen, avec des textes inspirés. Purée! (c’était pour la rime). C’est le mot, ici, qui prévaut. Il est valeureux, derrière-lui l’instrumentation menace de gerber. Elle ne le fait pas, du coup elle n’en est que plus belle encore. Virage invente, déjante, laisse dans son sillage, mine de rien, un skeud sans équivalent connu et reconnu. En huit plages pas très sages, il déploie suffisamment de persuasion pour rallier, à sa noble cause, bon nombre d’écoutants persévérants aux oreilles déflorées et averties.