Quelques jours avant Dans cet endroit, album concocté avec l’aide de Camille Belin, Foggy Bottom répond aux questions de Will Dum…
1) A la lecture de vos sorties discographiques on note, entre le Foggy Bottom LP de 2004 et Sur le fil, sorti en 2017, 13 ans d’écart. S’agit-il d’une tactique à la My Bloody Valentine (rires) ? Plus sérieusement, à quoi vous êtes-vous consacrés sur cette période ?
Foggy Bottom : À la sortie de notre LP en 2004, nous étions arrivés à la fin d’un cycle et avons décidé de mettre le groupe en stand-by afin de nous consacrer à d’autres projets. S’en est suivie la formation de divers groupes très différents musicalement de Foggy Bottom. En vrac : du garage/noise avec The Macciones, du zombie/noise/rock avec The Automatists, du psyché/noise avec Pulssar. Bref, en 13 ans, on a eu le temps de faire pas mal de boucan !
2) Que tirez-vous de votre expérience au sein de Davy Jones Locker, dans les 80’s, qui précéda la naissance de Foggy Bottom ? Quel regard portez-vous sur notre scène indé de l’époque ?
David : Une expérience intense au sein d’un groupe de dingos ! C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai rencontré Sophie, manageuse des Davy Jones Locker et future bassiste de Foggy Bottom. Davy Jones Locker m’a permis de pas mal bouger, faire beaucoup de boucan, de sacrées rencontres et ouvrir pour Dinosaur Jr, Therapy, Les Thugs, Alice Donut et Fudge Tunnel entre autres…La scène française était super foisonnante, c’était TOP ! Nous avons croisé plein de groupes géniaux comme Deity Guns, Les Thugs, Treponem Pal, Condense, Portobello Bones, Skippies et tant d’autres…
Avec le recul, on se rend compte que c’était une période vraiment exceptionnelle !
3) Comment s’est fait, d’ailleurs, le passage de Davy Jones Locker à Foggy Bottom ?
David : Après Davy Jones Locker, j’ai monté Pore, mon projet solo métal/indus avec lequel j’ai pas mal bougé aussi. C’était super, mais étant fan de la première heure de groupes tel que My Bloody Valentine, Dinosaur Jr, ou Weezer, avec le temps m’est venue l’envie de faire de la zic plus mélodique…tout en faisant toujours plein de boucan ! HaHaHa !!!
4) Que permet le Français, quasiment exclusif au sein de Foggy Bottom ? De quoi traitent vos textes ?
David : On a toujours aimé l’aspect candide ou naïf que peut apporter l’écriture en Français. Quoiqu’il en soit, écrire en Français n’est pas chose simple. Les thèmes abordés dans nos textes ? Amour, gloire et beauté…HaHaHa!!! Non, sérieusement, même si ça ne saute pas aux oreilles, certains textes ont une dimension politique. Les thèmes évoqués dans ce nouvel album sont la discorde, la division, l’intolérance et la violence sociale du quinquennat Macron qu’on observe chaque jour un peu plus…Tout ça dans le contexte si particulier que nous vivons en ce moment.
C’est clair que cette crise sanitaire, qui est devenue une crise aux multiples facettes, m’a évidemment influencé dans l’écriture des textes de l’album. Mais même si dans l’ensemble, les textes sont plus sombres, ça reste du Foggy Bottom, à savoir des paroles parfois naïves en apparence, mais avec plusieurs degrés d’interprétation. D’autres thèmes comme le départ, la séparation ou encore le doute y sont abordés.
5) Votre petit dernier, Dans cet endroit, sort fin janvier 2022. Comment s’est passée sa conception ? Vous travaillez cette fois avec un producteur, Camille Belin (LANE, Daria et Do Not Machine). Que vous apporte t-il et pourquoi ce choix ?
Foggy Bottom : Sophie et moi avons conçu et maquetté ce nouvel album durant cette période interminable de confinement et de couvre-feu, fin 2020/début 2021. Concernant Camille Belin, nous l’avions rencontré lorsque nous avons ouvert pour LANE au Chabada de Angers, en mars 2019. Le gars, non content d’être l’excellent batteur de LANE, de Do Not Machine et le non moins excellent chanteur/guitariste de Daria, il fait aussi de l’enregistrement ! Quand on a capté ça, on s’est dit que ce serait cool de faire le prochain disque avec lui. Nous l’avons contacté et ça a bien matché entre nous par rapport au projet. Camille est parti de Angers dans sa bagnole remplie de matos jusqu’au plafond, direction Thionville. Nous nous sommes enfermés 10 jours durant dans la salle de répétition du Théâtre du LED (Laboratoire Expression Développement). Belle rencontre avec Camille, ce fût super enrichissant de travailler avec lui et on n’est pas prêts d’oublier ça, c’était TOP !
6) Quel est votre ressenti à l’aube de la sortie de l’album ?
Foggy Bottom : On est un peu excités là ! On aime beaucoup cet album. Camille Belin a réussi à lui apporter une touche live et brute que nous voulions pour ces nouveaux morceaux. Impatient de le partager sur scène et sur les réseaux !
7) A l’écoute de Dans cet endroit, je trouve une accroche directe, aussi poppy que noisy, et des textes à la portée bien plus significative qu’il n’y paraît. Une réelle cohérence, aussi, dans l’ensemble. Pensez-vous qu’on puisse encore, lorsque comme vous on est de toute évidence des « vétérans » de la scène d’ici, continuer à évoluer, à se compléter sans sombrer dans la redite ?
Foggy Bottom : Oui, malgré notre grand âââââge (HaHaHa !!!), nous pensons que le groupe continue d’évoluer et de proposer des choses différentes tout en gardant une direction qui lui est propre. Ce nouvel album est par exemple plus organique et mélancolique que les précédents. Sans doute à cause du contexte actuel.
8) Sur le disque, Mathieu Dantec vous rejoint au clavier. L’apport de l’instrument vous paraissait nécessaire ? Je trouve en tout cas que ses interventions sont aussi discrètes qu’efficaces, d’un bel apport à l’opus…
Foggy Bottom : Depuis « Une Histoire à l’Envers », on laisse de la place pour du clavier, afin d’ajouter une couleur ou texture supplémentaire en plus des couches de guitares. Jusqu’à présent, nous faisions tourner les parties clavier avec une machine mais avec le temps, on s’est dit qu’avec un vrai zicos, ce serait plus cool et c’est le cas grâce à Mathieu. Mais nous restons évidemment un groupe à guitares.
9) Dans cet endroit, à quoi renvoie cet intitulé ? Serait-ce un endroit sécure, protecteur, éloigné de tout tourment sociétal ? La musique est-elle pour vous une sorte de refuge, de havre de paix ?
Foggy Bottom : « Dans Cet Endroit » est le titre d’un morceau de l’album qui évoque le fait que, dans ce monde-là, nous avons sans doute atteint le point de non-retour. Ça veut dire : voilà où nous en sommes…La question étant de savoir si nous pourrons ou non, passer à autre chose un jour. Effectivement, dans ce contexte inédit, plus que jamais, la musique est un refuge !
10) Vous accordez de l’importance, visiblement, aux différents retours sur vos sorties. Ça compte pour vous, cette reconnaissance de la presse et des webzines ?
Foggy Bottom : Oui effectivement, chaque chronique et critique du disque que nous sortons compte, c’est pour nous une reconnaissance. Qu’elle soit positive ou négative, c’est gratifiant et ça donne une visibilité au groupe, mais également aux fanzines et webzines qui parlent de ta zic. On a d’ailleurs la chance d’avoir souvent des retours positifs !
11) Votre label est Twenty Something, soit une division de Nineteen Something qui constitue grosse référence en termes de posture indé, C’est un motif de fierté, j’imagine ?
Tout comme pour le précédent album, on est super contents que ce nouveau disque sorte sur Twenty Something. Ils font un super boulot et oui, on très fiers de faire partie de ce label. Rééditer des groupes comme Les Rats, Les Thugs, Burning Heads, Fixed Up, The Noodles et d’autres encore, tout en proposant des groupes actuels, c’est vraiment classe! On adore leur démarche.
12) Que vous inspire l’époque actuelle et sa cohorte de restrictions/annulations d’événements live ? Et que vous apporte, justement, le live lui-même ?
Foggy Bottom : Tout le monde trinque et la culture peut-être un peu plus encore…Ça fait et ça fera pas mal de dégâts. Toutes ces mesures restrictives qui vont et qui viennent au gré des taux de contaminations, ça donne le tournis et c’est parfois surréaliste. Faire un concert face à un public assis, masqué, et qui doit respecter un sens de circulation sur site, le tout en extérieur, c’est lunaire !
Concernant le live, devoir le mettre entre parenthèses, c’est frustrant! Sans le live ton groupe existe moins, voir plus du tout. Tout à moins de sens…Vivement l’printemps !