Si c’est avant tout pour son live sauvage et majestueux avec Hint, datant de 2009, que j’ai remarqué EZ3kiel, force est de reconnaitre que le combo tourangeau, évolutif, n’a de cesse de muer, d’explorer, d’imposer une approche hautement personnelle. L’opus précédent, Lux, le démontrait encore. Avec La mémoire du feu le groupe marie musique et littérature, collabore avec un auteur de polar noir, Caryl Ferey, et narre l’histoire de Diane et Duane, presque jumeaux, dont l’amour s’éteint au gré d’une saison en enfer avant de revoir le jour. Il en résulte, magnifique, une série de titres climatiques, que Diaphane et ses contours obscurs inaugurent dans un geyser électro-rock retenu, magnifié par un chant racé et « raconteur », au verbe élevé. Le sens de l’ambiance d’ EZ3kiel, sa musicalité, forcent de suite le respect.
Les amants d’antan, où la voix est pour le coup féminine, se déroule ensuite dans une parure électro brumeuse, céleste. En deux morceaux, l’auditeur est capturé. L’absolu, de ses basses charnelles, accentue l’effet de « captivance ». Lancinant, il s’empare de l’esprit, monte en intensité et EZ3kiel, qu’il vocalise ou s’en tienne à de l’instrumental prenant, fait mouche. On retrouve, dans ses créations, le brio d’un Zenzile. Les galions oubliés, à la sérénité communicative, étend lui aussi l’éventail parcouru et s’offre des encarts notables. Chanson, rock, électro, post-rock et que sais-je encore; tout ça est imbriqué par bribes, adroitement, à la manière d’ EZ3kiel. Qui, après une belle vingtaine d’années d’existence, est bien loin de sentir le rance.
Plus loin Les envies d’hier, joliment évocateur, pose des tons chanson/jazzy honorables, beaux et émotionnels. Ez3kiel scintille, dans le mot comme dans les notes. Serpent corail, à la trame dub/space rock enfumée/enflammée, déchire le ciel. Et déchire tout court. C’est quand même, disons-le bien, du grand art. Au tonnerre se greffe l’azur, un peu comme dans une épopée où le déchirement voisinerait avec le sentiment. Les bras des torrents, aussi charmant que chaloupé, met une fois de plus en exergue la prestance musicale du tout. Rouge sang, bien plus…sanguin, laisse la batterie castagner. Il trouve sa source dans une électro-rock syncopée, batailleuse, du plus bel effet. Trippant, trippal aussi, le morceau encanaille les débats. Un chant gris l’enrobe, en son mitan, ainsi que des guitares orageuses. A sa suite La chute infinie du vide, susurré, fait dans le dramatique. Dans le même élan, il embellit encore l’album et achève d’en faire un must.
Sur la fin et sans nous laisser sur notre faim le titre éponyme, également murmuré, narre dans un écrin de beauté troublée. Il y a du Gainsbourg dans cette distinction viciée, dans ces atours sonores qui ici encore font la nique à nos sens. La chanson s’embrase, pour ensuite retrouver des tons en clair-obscur. Ez3kiel, sur La mémoire du feu, s’obstine et persiste dans son refus du convenu. Les spirales ascendantes, dernière charretée enciélée aux vertus psyché, marque alors l’ouvrage d’une ultime touche maison au duel vocal séduisant, à l’issue d’un disque que marque une prise de risques -une constante chez EZ3kiel– parfaitement tenue. Un procédé synonyme, derechef, d’excellence dans la restitution finale.