Photo avatar: PY Leblanc.
Dans la foulée de « Factory », sorti fin novembre de cette année, avec quatre albums dans le rétroviseur, No Money Kids répond aux questions de Will Dum….
1) Quatre albums au compteur, qu’est-ce qu’on se dit quand on en arrive là ? Que ressent-on ? Est-ce la garantie d’un parcours d’ores et déjà accompli ?
Lorsque je me retourne et que je vois tout ce qu’on a parcouru avec JM, je me dis que l’histoire No Money Kids pourrait s’arrêter demain et elle serait déjà une des grandes fiertés de ma vie. Assez régulièrement je repense au gamin d’Argenteuil que j’étais, je me dis que je ne l’ai pas trahi et que j’aurai tout fait pour réaliser son rêve.
2) Factory, le tout dernier de vos quatre LP, vient de sortir. Comment l’avez vous travaillé ? Le « trouble sociétal » actuel a t-il eu son influence sur le contenu ?
Pour cet album, nous avons eu le loisir de nous concentrer uniquement sur la composition et l’enregistrement. Habituellement, on est perpétuellement en tournée et il faut arriver à jongler entre les concerts, la composition, l’enregistrement et notre vie personnelle. Là, on a eu un temps précieux, ce qui nous a laissé le temps de tester beaucoup de choses artistiquement…
3) Comment parvient-on, après un nombre déjà conséquent de parutions discographiques, à ne pas se mordre la queue sur le plan musical? N’avez-vous pas déjà ressenti ce sentiment de redite qui parfois entrave certaines formations ?
JM et moi, on est assez souvent en profonde remise en question. Parfois cela nous mène vers des états qui ne sont pas forcément souhaitables, mais ça a le bénéfice de continuellement nous pousser à améliorer notre propos, et à nous enrichir de beaucoup d’influences. Pour cet album, elles ont été très vastes et même parfois la démarche artistique était plus importante qu’un artiste en particulier.
4) Vous mêlez blues, électro, pop et rock au gré d’ambiances assez diverses, comment en êtes-vous arrivés à vous positionner sur ce type de rendu ?
Le style « No Money Kids » s’est forgé au gré des albums. Au départ, le leitmotiv était de rassembler blues et électro en veillant à rester le plus authentique possible. Ensuite on a évolué vers un rock plus LoFi, qui va piocher des textures et idées où bon lui semble. De Beck à Chopin en passant par Junior Kimbrough et Robert Johnson…
5) Considérez-vous que votre son, désormais « installé », et vos textes puissent avoir une quelconque influence sur votre auditoire ?
Oui, je pense que tout ce qu’on fait a une incidence. Si une personne ne comprend pas les textes, elle sera portée par la musique. Je me souviens qu’adolescent je ne comprenais aucun des textes d’Otis Redding ou des Beatles, et pourtant ils m’ont fait pleurer et rire. Les progressions harmoniques sont parfois bien plus puissantes que des mots. Par ailleurs, on nous parle régulièrement des textes lorsqu’on est en tournée à l’étranger, en Angleterre ou en Allemagne, on passe pas mal de temps à développer les intentions des textes avec des fans après les concerts, c’est un exercice agréable…
6) Vous enchaînez les dates, parfois en mode « marathon ». Que vous apporte le live ? Quels sont, dans ce domaine et jusqu’alors, vos souvenirs les plus marquants ?
Les confinements successifs nous auront au moins confirmé que sans le live, on ne ferait peut-être pas ce métier. Écrire des chansons et ne pas les partager ensuite sur scène, c’est un non sens pour moi. Sans ce rapport avec le public, je ne serais pas là à vous répondre. La sensation lorsqu’on monte sur scène est unique; on se sent vivant, profondément dans l’instant.
7) Oeuvrer en duo, est-ce « tout confort » ou plus complexe qu’on ne l’imagine ? Comment fonctionnez-vous, d’ailleurs, au sein de votre paire ?
Le duo est un format idéal pour laisser la place à chacun de s’exprimer comme il le veut. On fait bien sûr quelques compromis mais c’est finalement très rare, avec Jm on a des volontés artistiques qui rejoignent et se complètent parfaitement. Je m’occupe de la composition, de l’écriture, du chant et de la guitare et Jm des synthés, de la programmation, de la basse, du mixage et du mastering.
8) Si vous deviez collaborer -j’avoue ne plus me rappeler si c’est déjà effectif-, avec qui le feriez-vous et pourquoi ?
On a déjà commencé une nouvelle collaboration avec Greg Demson, qui nous rejoint sur scène à la batterie. Il sera avec nous durant toute la tournée. On a d’ailleurs déjà débuté les dates, et la formule marche plutôt bien !
9) Factory, soit l’usine, le milieu industriel, c’est votre monde ? Vous semblez accorder une large place, d’ailleurs, aux oubliés, à ceux qu’on laisse « à la lisière », ceux qui s’échinent pour trois francs six sous…
C’est l’histoire de ma famille: j’ai eu la chance d’avoir un toit, à manger tous les jours et un accès incroyable à la musique, à l’éducation etc. Ma famille, à bien des égards, n’a pas eu cette chance. Il était par conséquent bien naturel que je leur rende hommage. J’ai d’ailleurs encore des amis qui galèrent et la seul arme que j’ai actuellement, c’est ma guitare et mes chansons.
10) No Money Kids, ça renvoie à quoi d’ailleurs ? Appellation « dérisoire » ou, au contraire, dotée d’une réelle signification ?
No Money Kids, avant d’être le nom du groupe, c’ était une chanson que j’avais écrite pour ma grand-mère qui a vu son père mourir de faim alors qu’elle traversait l’Espagne à pieds. Ma famille vient de Huelva en Andalousie, je vous laisse imaginer le trajet…
Lorsqu’il a fallu trouver un nom, on a tout de suite pensé à celui-ci qui nous évoquait tous ces personnages qu’on cite dans nos chansons. De plus au début, on n’avait
pas une thune en poche, du coup « No Money Kids » a fait la différence par rapport à tous les noms cool mais vides de sens auxquels nous avions pu penser…