C’était, sur une « Trilogie du jeudi » étalée sur trois semaines, qui se verra suivie de La Phaze puis Rodolphe Burger -et oui, à l’ASCA on ne lésine pas!-, l’une des dates de fin d’année que j’attendais le plus. Pensez donc; la divine Tamar Aphek, avec dans sa besace un All bets are off magnétique, aussi feutré que sulfureux, ouvrait pour The Buttshakers qui eux, viennent de trousser un Arcadia au groove soul-funk à faire transpirer les corps, charpenté par des cuivres chaleureux. L’affiche est de celles qu’on ne peut contourner; c’est donc avec joie, une nouvelle fois, que je pris la route vers Beauvais. Chemin bien connu qui rarement, au bout du bitume, déçoit le routard. Arrivée dans les lieux; Tamar est là, fumant devant l’ASCA, avec sa team. Magnétisé je suis. Apparait Fil Chérencé, qui m’incite à partir. Il blague, cela va de soi. Nous restons évidemment, entrons. Un salut à l’équipe qui depuis belle lurette s’emploie à faire régner le son, du régional à l’international, dans sa grande salle ou dans le cadre plus intime du Barasca. Un Picon-bière et un piochage dans le bac à cd plus tard (mon acolyte, veinard, y trouvera…un cd des New Fast Automatic Daffodils !), nous descendons. Bavardage, entre photographes du soir, après un salut à Manu Héreau qui gère techniquement.
Tamar Aphek.
Les lumières s’éteignent, la brune aux airs de Hope Sandoval débarque avec son duo rythmique solide. Nous voilà embarqués dans des effluves rock où tons à la Portishead, pointes enragées, bordures bluesy et temps dédiés à l’expérimentation, à l’aide d’une guitare que Tamar effleure ou rudoie, se télescopent au service d’un set des grands jours. Il faut dire qu’avec son All bets are off cité plus haut, la Dame dispose d’un arsenal qui lui permet de tenir la scène sans faillir, loin s’en faut. Son apparente réserve, touchante, contraste avec les giclées soniques qu’elle nous assène de temps à autres. Le public, au fil des morceaux joués, l’acclame de plus en plus vivement. C’est sous les vivas que le live se poursuit, Tamar m’évoque les plus grandes, PJ Harvey parfois même. Ca groove de partout, c’est psyché par instants, prenant tout le temps. Mélodieux aussi, sauvage, racé. Jouissance avec Crossbow, un hymne. Avec, tout autant, Russian winter et son groove noisy imparable. Tamar tombe la veste, le trio joue serré et collectionne les morceaux concluants. C’est pour elle, pour eux, que je suis venu. Depuis la réception de l’opus, je me l’infuse sans modération aucune. Alors en live, pensez…! Quand elle embarde, qu’elle percute la glissière ou flotte dans une brume jazzy, le regard presque timoré, la ressortissante de Tel Aviv Shows us her pretty side, pour paraphraser l’un de ses titres.
Tamar Aphek.
Son concert est magnétique, magnifique. Comblé je suis, un second Picon viendra sanctionner ma satisfaction. Je me dis alors que si The Buttshakers pouvaient claquer de la dynamite dans leur soul-funk illustrée par des albums élevés, ça serait pas plus mal. Hein quoi, tu veux du béton mon Will? En voilà, par rafales de cuivres et torrents de chant. Ils ont bouffé du Topset (les anciens comprendront) ou quoi? La clique lyonnaise fait monter la mayonnaise (médiocre rime, je vous l’accorde..), dope ses compos, les rythme jusqu’à aller percuter le muret. Chanteuse montée sur ressorts, au jeu de scène fatal et d’une bonne humeur qui se propage. Groupe au taquet, à l’élan incoercible. On prend une soufflante, la première fois que j’avais vu les Buttshakers en live c’était aux Terrasses du Jeudi, à Rouen, en 2011. C’était déjà de taille mais ce soir, on a le sentiment que le sextette Rhodanien s’est avalé deux marches supplémentaires, direction les sommets. Les morceaux sont transcendés, à ma droite se trouve ce petit gars super sympa en situation de handicap qui s’éclate joyeusement. Bientôt il dansera avec Ciara Thompson, descendue dans la foule. The Buttshakers, ça ne se décrit pas bien qu’ici je le fasse; ça se vit. Je pense alors à ceux qui, cachés derrière des arguments de mateurs du 20 heures, sont restés à la casbah. Au moins ils auront chaud, moins que nous toutefois qui, devant un set incendiaire, avons le feu aux joues.
The Buttshakers.
C’est bon signe, on en conclut que le brasier Buttshakers est de ceux qui ravivent, revigorent, soufflent sur les braises jusqu’aux dernières notes jouées. Je fige le visage, extatique, d’une demoiselle postée à mes côtés. Y’a du bonheur par ici, du sourire partout, des danses qui échappent à mes (très modestes) compétences en la matière. C’est pas que bon, c’est du nectar aux saveurs fortes. La soirée n’a pas foiré, c’est tout le contraire et le groupe, lui aussi, salue en arborant des mines ravies. Il le peut, son public l’a porté et n’a pas raté une miette de sa prestation digne des groupes-phare de la mouvance concernée. On peut d’ailleurs considérer que The Buttshakers, sans faille, appartiennent à cette catégorie. Leur concert le prouve, de même que l’irréprochable tenue des opus sortis. L’excellence est de mise; nous venons de vivre un moment privilégié, de vibrer à la vie retrouvée, au son de deux formations qu’on se fera fort de retourner voir sur les planches dès que l’occasion se présentera.
The Buttshakers.
Photos William Dumont (Will Dum)..