Inspiré du surf rock japonais, du psychédélisme brésilien et du folk bulgare, né des improvisations mises en place par le guitariste Serge Nakauchi-Pelletier, le batteur Ian Lettre et le tromboniste Etienne Lebel, lesquels se découvrent une passion pour la légende japonaise du surf rock et du garage rock Takeshi «Terry» Terauchi, Teke Teke, basé à Montreal, pratique un zik « pas comme les autres ». Ses trois membres fondateurs, rejoints dans leur pérégrinations par le guitariste rythmique Hidetaka Yoneyama, le bassiste Mishka Stein, la multi-instrumentiste Yuki Isami et la chanteuse Maya Kuroki, imposent en effet un patchwork renversant, parfaitement illustré par leur Shirushi sorti chez Kill Rock Stars. Flûte, guitares excitées, instruments traditionnels et styles en tous…genres de télescopent, pour enfanter un rendu de haute volée. Kala kala, dans un déluge de sons dépaysants et de rock buriné, servi par le chant oriental de Maya, lâche d’emblée des effluves enivrantes, énergiques, aux airs d’ Altın Gün ou tout au moins, dans ce même esprit décalé, qui fait honneur au folklore d’ici et de là-bas en le trempant dans d’autres mouvances. Suivent les guitares appuyées de Yoru ni, surfy, « de cirque », qui twiste comme c’est pas permis. Deux morceau et déjà, deux embardées direction l’inconnu. Voilà ce qu’on aime, sous couvert d’une identité qu’on ne peut zapper.
Il y a du style, du panache dans le malaxage, en plus d’une valeur supérieure, dans ce que fait Teke Teke. Dobugawa calme le jeu, se fait jazzy, distingué, une fois de plus, dans son chant. Choc des cultures clash des idées, Shirushi pose des bases auxquelles on n’est pas accoutumé. Bientôt, on en sera accroc. Le morceau se cuivre et se corde, joliment. Barbara, de fougue et de flûtes enragées, poste un rock impulsif. Les voix se répondent, l’une de dame, aussi veloutée que colérique. L’autre venue de bonshommes, donc plus ouvertement virile. Mazette, quelle aventure! Teke Teke fusionne allègrement, impossible à classifier. C’est Teke Teke, et puis c’est tout. Et c’est déjà beaucoup, on a devant nous l’une des rondelles les plus stimulantes de cette fin d’année. Il faut dire que chez Kill Rock Stars, on n’a pas pour habitude signer des tocards. Ni des rock stars, d’ailleurs. Kizashi, Japonisant, dégage aussi des airs psyché de par sa répétition. Il est à la fois subtil et épais, massif, céleste. Une réussite de plus, dans un disque où rien ne s’écarte.
Photo Andy Jon.
Du tout bon, à avaler jusqu’à la dernière goutte. Avec Tekagami on fait, à nouveau, preuve de style et d’originalité. Surf, sons qui emmènent, break soudain. Puis, magistrale, une démonstration chantée bluffante qui, ensuite, se pare d’une instrumentation racée. On pensera à Kusturica, pour le brassage, pour les échappées cuivrées. Sarabande, bourru, s’affine par la suite. On relève, ici et encore, des sons qui nous envahiront la trogne. Majoritairement instrumental, le morceau conjugue côté alerte, voix d’obédience dreamy, et pluie de sons obsessionnels. Meikyu, rentre-dedans, détale dans un rock non seulement élégant, mais également pénétrant. On est servi, bien au delà de nos attentes. La chanson s’emporte, définitivement, jusqu’à asseoir l’impact d’un album merveilleux. Le chant hurle, d’un seul coup d’un seul ça breake. Volute de flûte. Magique. Puis retour de ce rock qui croque, balafré par les cuivres.
C’est du grand art, la fin se profile et pourtant, on a le sentiment d’être déjà parti très loin. Alors Tekagami, aux antipodes de l’énergie entendue sur Meikyu, laisse la voix, ample, présider. Il est beau, orchestral, un brin folk aussi. Teke Teke, avec son Shirushi à l’inspiration nichée dans tous ses recoins, nous lègue un premier opus qui le porte haut, le démarque ostensiblement et le dote d’un rang d’ores et déjà élevé dans la hiérarchie des oeuvres singulières. Pour un « debut album » c’est par conséquent un coup de maître, impressionnant de bout en bout, que s’offre le clan canadien.