SK1 c’est Seb Carlier (Betty Butter Biscuit, Lost Pagan, The Deaf People, Gros Bloc de Haine; le mec est donc un routard, rodé au son qui bifurque), déjà signataire d’un Labyrinthe tourmente bien en marge. Pour ce Zone Morne très apprécié de John Zorn (je rigole Anatole, tu l’auras compris), le moufflet aguerri s’associe à Black Wine Order qui, de son côté, s’abreuve à la même source déviante. Le premier prend en charge paroles et chant, le second la musique. A deux donc, les mecs jouent un rap givré, obscurément jazzy (l’ornement de Genesis, en amorce), sombre et lettré. Ils le salissent, le pervertissent, y glissent des grattes elles aussi dark qui toutefois s’allègent à l’occasion, des sons qui groovent aussi (Erg). Leurs poèmes urbains font mouche, à l’exact opposé du discours « meufsàgroseinsetbagnolesdeluxe » servi par les artistes polluants qui inondent les ondes. Ici ça tchatche vrai, on narre un quotidien âpre et laborieux. Nouvelle saison, syncopé, plus proche de la friche de la Coop que de la verte prairie du château de Dury, consolide Zone morne. Le verbe vaut d’être disséqué: il révèle des maux, sociétaux, personnels, et se pare de déflagrations sonores nourries. « Laisse-moi ouvrir les yeux, que je contemple les dégâts ».
Zone Morne m’a tout l’air d’un exutoire, d’un échappatoire à des jours sans espoir, que les qualités artistiques des deux gonzes s’en viennent optimiser. Avec Fétiche, on se penche avec acuité sur ceux qui, au péril de leur santé, partent gagner une salaire de misère. Ceux qui ne sont rien, dirait celui qui est encore moins. Soumission, esclavagisme insidieux, passés au filtre de la lucidité de ceux qui savent. C’est pas du New Order, ça n’en a pas l’odeur. Ni la teneur. C’est avant tout pour la rime, j’avoue ne pas exécrer le groupe de Sumner. Il ne s’est rien passé, assène l’avant-dernière missive sonique. Elle dépayse, par ses sons de décor aux violons qui grincent et t’arrachent à ton confort. On est, encore, dans le vicié de qualité. C’est ma B.O. du samedi matin, quand s’impose ma soif d’errance musicale. Ce besoin, à peine répressible, d’aller se cogner du son en lisière. Livide, en loopings bruitistes, hurlé/débité, tire la dernière flèche. Au curare. SK1 et Black Wine Order s’associent pour, à l’arrivée, discourir vrai et saloper avec talent un paysage déjà peu avenant.
+ En « bonus », ci-dessus, le clip d’un morceau hors-album.