Tourangeau, à l’instar de nombreuses formations bonnardes, Thé Vanille en vient avec ce Figure 26 à son premier « full length ». En trio de « rock protéiforme », il y joue dix titres nerveux, où des délires à la Deerhoof se font entendre avantageusement et se voient surlignés par un chant féminin sucré, que parfois les mâles épaulent (The flower fix, excellent, noisy-pop, syncopé, trop bon pour qu’on en laisse une miette). Il séduit, vocalement (Animal ball et son décor de claviers, sous-tendu par ses tambours), mais peine à rester posé et c’est là l’un de ses nombreux atouts. Flying fishes ouvre d’ailleurs au son de secousses presque math, noise, que le chant allège. On se niche entre mélodie et zébrures bruitistes, avec talent. La fin de l’ouverture accélère, franchement, jusqu’à complètement enthousiasmer. Plus encore avec Fast cars, batailleur, où la dame se fait mutine. Bourru, crissant, post-punk dirait-on, on s’en f+++ un peu finalement tant c’est bon et puissant. Do you wanna dance?, d’ailleurs, y incite fortement. Rythmé, il riffe cru, fait un peu son Wire, son The Fall version demoiselle dans le chant. Et c’est ça qu’est bon!
Thé Vanille infuse vite, dégage de la saveur, de la vigueur. Il se nuance en restant sous-tension, se consomme à tout moment de la journée. Tentez la nuit, ça passe « easy » aussi. Figure 26 clippe d’ailleurs un plus que bon Eli I wonder why, basse slappée en bandoulière, en déferlante noise-psyché sonique venu vous faire la nique. On varie, en termes de directions musicales, sans y perdre une once de valeur. On aime à s’embarquer, souvent, dans des méandres bien sentis, rentre-dedans, qui savent s’adoucir. Ils le font joliment (ce même Eli I wonder why), à l’écoute on ne peut affubler Thé Vanille de tel ou tel penchant précis. C’est Thé Vanille et c’est marre, et c’est parfait ainsi. Sunshine teeth, de ses motifs funky, prolonge le -vif- plaisir. Il ne peut s’empêcher, on ne songera guère à l’en dissuader, de s’encanailler. Il rugit, explose, nous fait jubiler dans une exubérance sonore bienvenue truffé a à la finesse.
A sa suite The flower fix, mentionné plus haut, remet de la crème dans le cornet (je n’ai pas trouvé mieux). Thé Vanille est une régalade, forte en goût, qui dégouline de savoir-faire. Les bonshommes y vont de leur encarts chantés virils, on libère les décibels sans se soucier des dommages occasionnés. Animal ball incruste une forme de douceur poppy qui elle aussi apporte. Giant child, sons triturés en amorce, place après ça ses élans massifs. Il part à l’attaque, aussi leste que céleste, sombre et patiné. Chez Thé Vanille, on a le séant non pas entre deux chaises, mais sur le strapontin de l’inspiration. Le tout, vous l’aurez compris, sans se revendiquer de telle ou telle caste dominante. Helicopter fail et son impulsivité, ses petites notes finaudes entre deux, groove jusqu’à plus soif. Il y a du Deerhoof, oui, dans ce que fait le groupe. Mais il défriche, doué, ses propres terres. Son mérite est grand, au moment d’aborder la dernière ligne droite on n’a pas décroché un seul instant.
C’est alors BRKFST, d’abord spatial, qui termine en passant, brusquement, la surmultipliée. Outch! On est fauchés, saisi par un contenu qui ne s’anticipe pas, part à l’aventure et, au retour, nous gratifie d’un rendu caractériel, élevé, qui ne rechigne jamais à se vêtir de beaux airs. On a même droit, après un silence qui le laissait augurer, à un bonus-track noisy-charmeur, en guise de cerise sur le gâteau. Thé Vanille, avec son Figure 26 aux figures libres, balise son parcours d’une foutue bonne livraison, autoproduite, qui nous fait boire la tasse (aïe..) sans oublier, à l’issue, de nous adresser d’épars câlins ayant pour but de passer du baume sur nos corps meurtris par ses imparables incartades. Excellent de bout en bout, Thé Vanille fait fort, frappe fort et affiche, de plus, des penchants DIY qui ne font qu’accroitre son impact.