Nouvel album imaginé et réalisé pendant le confinement Anglais, dans leur maison et studio de Stamford Hill à Londres, par les Anglais de Vanishing Twin, Ookii Gekkou nous emmène, de par les élucubrations sonico-sonores de l’homme-machine Phil MFU greffées à des rythmes jazz, kraut ou encore afrobeat, dans un ailleurs qui, au moment de la conception de l’objet, a très certainement fait le plus grand bien à ses créateurs. Lesquels, d’emblée, jouent un spatial et lunaire Big Moonlight (Ookii Gekkou) troublé par des sons obscurs. Un premier effort innommable, sur le plan stylistique, et diablement prenant. Un envolée acidulée, flottante, aux vertus psyché certaines. Et qui préfigure, clairement, d’un contenu surprenant. Phase One Million le démontre d’ailleurs, avec autant de prestance: on tend à se faire exotique, céleste et inventif s’agissant des sons et cheminements mis en place. Vanishing Twin pousse ses investigations, s’éloigne volontiers des chemins connus. Zuum, plongée dans la nuit groovy et entrainante, nébuleuse, valide le billet d’entrée de Cathy Lucas et consorts pour un monde nouveau, un échappatoire musical au sein duquel on ne les attendait pas forcément de prime abord.
Grand bien leur fasse -et nous fasse-, la virée est merveilleuse. On oscille, porté par des sons perchés. On s’oublie, on tangue et on trippe lorsque ce même Zuum livre un décor jazz barré, constitué de sonorités imaginatives. Ookii Gekkou nous arrache à notre confort, direction un espace trippy et psychotrope de par ses textures. The organism, de voix de robot en son début en ambiance dépaysante, céleste autant qu’aquatique, jouant d’ailleurs allègrement avec l’esprit, avec l’imagination, jusqu’à les déstabiliser. N’importe quel être un tant soit peu impliqué dans l’opus y trouvera de quoi décoller, de quoi s’évader et surtout, il entrera en relation avec l’un des disques les plus stimulants, à mon sens, de cette fin d’année. In cucina, kraut, insulaire (si si), tribal et jazzy dans son agitation enchanteresse, illustre bien le qualificatif: stimulant, galvanisant, il serpente librement et dégage de fortes saveurs d’ailleurs, comme mentionné dès le début de l’article.
Pris dans la nasse, on poursuit l’épopée avec un Wider Than Itself délicat, teinté de bruits malins. Il s’anime gentiment, en clair-obscur, et laisse le chant le nacrer. Au carrefour des genres, l’album ne manque pas de chien ni d’adresse dans l’amalgame qui en est fait. Light wessel, d’un kraut qui louvoie, chanté avec allure, traverse la stratosphère. Ses vocaux se déshumanisent, sans perdre en charme. On a droit, une fois de plus, à un subtil déluge de sons addictifs. Vanishing Twin peut changer de ton, d’orientation, se « dubiser », marier pop et psychédélisme, jazz et électro étoilée: il fait mouche à chacune de ses étapes. Tub erupt, un brin dub, étend encore un peu son pouvoir de séduction. Peu commun, il se pare d’ombrage. Simultanément, il grésille, groove sans résistance possible, s’emballe et gagne la partie. C’est Ookii Gekkou en entier, foutrement catchy dans ses délires de génie, qui nous convertit à ses sorties de route.
The lift, au moment d’en boucler l’embardée, exhale une électro songeuse mais cadencée. Sa basse chaloupe, ses bordures lorgnent une fois encore vers des contrées novatrices. Vanishing Twin, au sommet de la créativité, signe pour le coup, à mon sens, son opus le plus osé. Le plus fascinant aussi, barré et soigné, travaillé mais aussi très libre de ton. Une oeuvre majeure, sortie chez les excellents Fire Records, dont on ne fait que commencer à dompter les différentes composantes. Un superbe ouvrage, dansant et « mental », au bout duquel se trouve une porte de sortie synonyme de mieux-être pour toute personne ayant consenti à s’en draper.