Belge, donc sûrement bon (déduction hâtive mais assurée), Delwood est une entreprise de menuiserie alternative fondée début 2019 par les frères Dubois (Frank Shinobi, Taïfun, ensemble dans Coastline Truckers). On y taille, à deux basses et dans le bois le plus indé qui soit, des pièces sonores subtilement énervées que ce disque, le premier de la clique, recense dix fois dont aucune de manière creuse. Clément Dechambre (The Brums – sax et clarinettebasse) et Damien Chierici (Dan San – violon) viennent appuyer le discours. Ca sort, de plus, chez Honest House. Autant d’atouts qu’il importe de valider mais aucun souci, Hearts as clocks et ses airs de The Notwist acidulé, ouvragé avec précision et pas mal d’âme, pose d’emblée une douceur un brin fougueuse. Il riffe dru, soudainement, et se fend de samples que secondent des voix pas si communes. On s’y plait, d’ores et déjà, car le rendu diffère. Sensible sans jamais omettre le mordant, cuivré sans excès, il a pour « sources » Do Make Say Think, Tortoise, Dead Man Ray, Archive, Motorpsycho ou Modest Mouse mais ne doit son éclat qu’à Delwood. Qui, bien entouré sur tous les points, chuchote un At large indie/lo-fi de toute beauté.
Effluves jazz, voix aux tons changeants, sons de toutes sortes et climats nous tendant les bras font le charme d’une rondelle qui n’en manque pas, loin s’en faut. Derrière des passages paisibles, se cachent des minutes plus brutes. Echolocation obsède par ses sonorités, sa ouate chantée, ses encarts souillés. Delwood est un orfèvre, doué, décalé, qui aime à poser des saillies. Echolocation en fait étalage, Ultimate s’appuie sur les basses pour groover joliment. Puis il se durcit, dans la finesse. Pour un premier LP, Delwood affiche une belle adresse. Et de l’identité. Dans son direct aux atmosphères travaillées, parfois criées dans les vocaux, il passionne. Rares ne sont pas, on l’entendra, les sonorités qu’on ne laisse pas filer. A house is a corridor (hein quoi? C’est quoi ce souk?), porté par des scansions jazzy trompeusement peinardes, s’en habille et dissone. Qu’il est bon, ce skeud aux airs d’espace boisé où tout n’est pas si tranquille. Ses feuilles sont belles, son écorce rude. The sequence of facts allie chants de coton et voix bien plus vindicative, ça prend directo. Il étincèle, avec grâce. Parallax, assez frontal, entrainant, en rajoute une pelletée. On serait bien bête, devant tant de prestance, de se dérober. L’élan se coupe, un peu, tout en se parant d’élégance.
On ne résiste pas plus, en l’occurrence, que sur le reste du boulot (bouleau?). Estaticos est lui aussi alerte, massif et, tout autant, psyché dans ses saccades. Tellement bien foutu, qu’à l’écoute on se sera tu. On fera d’ailleurs de même devant The sound of victory, bourru, rapide mais, quand il breake, plus modéré. De la belle ouvrage, en rage et en splendeur, pensée avec imagination. Delwood nous montre, là, de quel wood il se chauffe (hum…). Celui de l’indé, d’idées par brouettes, d’une personnalité entièrement installée. Turbulent dans sa joliesse, il frappe fort et laisse, à l’occasion, ses basses se faire grasses. Lighthouses termine l’opus, enregistré en avril 2021 par John Roo (le visage de l’énorme ‘Laurent’, le 3e It It Anita), produit par Boris Gronemberger (frontman de River into lake, batteur de Castus, vu dans Girls in Hawaï et Françoise Breut…), dans cette veine au calme bien vite mis à mal. Un effort merveilleux, façonné par des artistes fiables, investis, dans un collectif solide et jamais pris en défaut.