Trio féminin basé à Tokyo, Kuunatic fait dans la musique tribale à base de voix puissantes, basses charnues, voix qui envoient et envoûtent, et sonorités variées dont certaines proviennent d’instruments traditionnels du pays. Après l’EP Kuurandia, en 2017, et un split 7’’ avec le groupe garage de Taïwan, Crocodelia, sort ce GATE OF KLÜNA fort de huit titres qui ne sont pas sans m’évoquer les russes de Lucidvox, d’ailleurs signées sur le même label: l’immanquable Glitterbeat. On n’a pas le choix, Dewbow castagne et dépayse dès ses premières secondes et secousses. Aussi souple que massif, puissant et célestement ample dans ses voix, il démarque de suite les japonaises et fait sensation(s) sans rémission. Ca s’endiable, brusquement, pour ensuite laisser les sons d’ici border le morceau qui, sans choisir, oscille entre leste et pesant. Superbe, le début précède Desert Empress Part 1 et son amorce sombre, triturée, psyché mais orageuse. Beauté des bruits, force de frappe indéniable et forcément, maestria des chants font bon ménage. Il est évident qu’avec Kuunatic, on a face à nous un projet singulier. Jouissons-en, ce n’est pas forcément monnaie courante.
L’apport des outils « du coin » est par ailleurs conséquent, contribuant à personnaliser le tout. Desert Empress Part 2, second volet du titre donc, les marie à des encarts acides. En répétant ses motifs, la chanson fait mouche elle aussi, lancinante, dans un entrelac de sons. Full Moon Spree suit, vocalement splendide, dans un unisson aux airs de folklore sauvage qui aime à dévier de sa route initiale. On navigue, sur Gate of Klüna, de merveille en merveille. Tītián, léger et alerte dans le même mouvement, revêt de superbes tissus sonores. Le disque est prenant, original, on l’aura compris, expérimental et grandement accrocheur. Ses bribes traditionnelles excellent, Lava Naksh les souligne et nous crache une trame appuyée à l’impact sonique certain. C’est là que je songe, une fois encore, au We Are de Lucidvox. Kuunatic n’a de cesse d’ensorceler son monde, dans le flux d’un son sans équivalent. Et ce n’est pas Raven’s War, spatial, qui me donnera tort. Il se syncope, dans un tumulte majestueux.
Il varie, entre ombre et menace, entre beau et tendu, jusqu’à complètement nous gagner. A sa suite et pour finir, Para Bennyà lance un fatras d’allure tribale, serti bien entendu par ces vocaux à part, changeant dans ses climats. Voilà le type de disque qu’on écoutera sans modération, séduit par son identité. C’est d’ailleurs une coutume chez Glitterbeat, du côté d’Hambourg, à la recherche constante et productive de produits décalés qui emmènent l’auditeur dans des terrains encore inexplorés, lesquels dévoilent des textures immensément novatrices. Avec ce Gate of Klüna, c’est le cas dans la constance. On obtient, au final, un rendu jamais entendu, si ce n’est chez Kuunatic qu’on s’empressera d’aligner sur l’étagère des trouvailles de taille en provenance du Japon. Pays où résident, notons-le bien, bien plus de formations valeureuses qu’on ne le pense de prime abord.