Issue de Chastity Belt, Childbirth ou encore Who is she ?, Julia Shapiro sort avec ce Zorked son deuxième album en son nom. Ayant quitté Seattle pour Los Angeles, isolée, en mars 2020, elle en a profité pour le concevoir. Elle nous y livre sa vision de la ville : une friche tournant au ralenti, endroit où l’on communie avec les fantômes et héritages détournés. Il en résulte une série, plus qu’estimable, de traînées shoegaze, dreamy et légèrement drone comme peut l’être, lent et prenant, le Death (XIII) qui lance les…euh… « réjouissances », si je puis dire. Chuchotées, prenant des airs occasionnels de My Bloody Valentine lorsqu’il désépaissit son crachin noisy, les chansons de Shapiro sont autant de rêves perturbés dans lesquels on n’aspire qu’à sombrer. Come with me, intime t-elle sur la seconde de ses dix créations, à l’issue d’un trip sous champignons ayant mal tourné. Volontiers et en dépit de cet égarement, on lui emboîte le pas sur un Zorked entièrement attirant.
Wrong time, qui s’anime sous le joug de la batterie -notons, au passage, que l’Américaine a elle-même composé, et enregistré, la quasi totalité du disque-, largue une brume merveilleuse. Comme chloroformée, Zorked pour ainsi dire, Shapiro tire, d’un état de retrait total, le meilleur en termes de rendu. Someone, lui aussi plus enlevé, dégage une beauté lézardée. L’ouvrage, dans une unité qui le renforce, fait son effet. Reptile ! Reptile ! Se développe en instrumental aux teintes presque folk, avant qu’une voix vaporeuse n’arrive. Magnétique dans son état à la lisière du dépressif, Zorked charme par son désenchantement. Il griffe avec élégance, dénué de hâte (Pure bliss), en manifeste shoegaze que les 90’s auraient consacré sans hésiter. Hellscape se débarrasse de toute substance, ou pas loin, en calmant le jeu. Le chant, quant arrive Do nothing about it, laisserait pratiquement filtrer…de la sérénité.
Plus loin le titre éponyme, envolée venteuse d’un shoegaze « absolutely perfect », pose un mur du son qui fend la brume. A réception de ce disque, ayant lu qu’il sortait de chez Suicide Squeeze Records, je le présumais de haute volée. Je ne m’étais pas trompé, il séduit sans interruption. C’est Hall of mirrors, apaisé, qui s’occupe de le boucler…sans la boucler mais avec une certaine sensibilité. Aidée, en l’occurrence, par sa colocataire, Melina Duterte (Jay Som), qui a transformé leur maison en un home studio où il fut possible de restituer ses désirs s’agissant du résultat final, Julia Shapiro signe un album de qualité optimale, né du tourment et porteur de dix morceaux prenants.