Sorti tout d’abord en 2009 chez Africantape, au format cd, l’opus éponyme de HEY!TONAL, groupe expérimental créé par Mitch Cheney (Rumah Sakit, Sweep the Leg Johnny) et Alan Mills (Chiisai-oto), se voit réédité en vinyle par le label Computer Students. Remasterisé par Carl Saff, il développe un math-rock qui ouvre sa porte à d’autres courants, le temps de huit morceaux où apparaissent nombre de figures de la scène indé de l’époque. Dave Davison (Maps & Atlases), Kevin Shea (Storm & Stress), Theo Katsaounis (Joan of Arc), mais également, et uniquement sur le morceau d’ouverture, Kenseth Thibideau (Sleeping People, Rumah Sakit) et Julien « Five Roses » Fernandez (Chevreuil) y contribuent, à leur affaire sur cette rondelle sans normes. Il va de soi que le disque, instrumental à l’exception de son lancement où un chant vient embellir le tout, se veut libre et changeant, tout en restant cohérent dans son ensemble. If Flash Gordon Was A Sk8r préfigure, riffs en silex à l’appui, cadence variable et drumming de pieuvre en surplus, d’un bazar exigeant mais captivant. Il est brut mais pensé, asséné mais aussi très souple. D’emblée, HEY!TONAL éveille la curiosité. Son processus le rend « spécifique »; Uppum, en seconde position, pose des touches africanisantes. C’est, tout au moins, ce que j’y entends. Et ça groove sec! C’est dissonant parfois, ça déroute mais on ne s’en éloigne pas pour autant, conscient de tenir là un ouvrage singulier. Kcraze riffe à la Sonic Youth, bruitiste. Il avance par saccades, lourd et massif. En trois morceaux, pas plus, on a déjà parcouru un éventail étendu.
La plage s’agite, castagne, se fait chaos. Elle fait du bien, cette ressortie, aux oreilles désireuses de son d’audace. Tao Of Chin Drapery est lui aussi compact mais il carillonne, expérimente, tâtonne pour finalement rafler la mise. Le rendu n’est jamais figé, sur le plan sonique il est même d’une versatilité qui en renforce le pouvoir de séduction. La batterie bastonne, les sons décollent. Les climats se succèdent, sans générer d’impertinence si ce n’est elle, approuvée, d’une attitude libérée. Smarmy Faulkner est presque titubant, rugueux. Il breake, coupe l’élan, semble à nouveau vaciller. Il gronde, jusqu’à son terme, et entremêle les sons. Lui succède Skitch, entre furia rythmique et délires soniques. Le genre est innommable, quelque part math, un peu partout HEY!TONAL. Le projet invente, défriche, crée un langage novateur. Skitch, au beau milieu de ses assauts, fait aussi danser. Lorsqu’il se répète, reboote ses motifs, il obsède. On n’en prendra pas ombrage, loin de là. Il y a des airs de jazz dérangé aussi, très free, dans ce que la joyeuse troupe conçoit. C’est mental comme frontal, réfléchi comme, ça et là, direct et rentre-dedans. Du tout bon, inventif comme c’est pas permis. Carl Sagan Is The Long Form Of Bitchin reste fidèle à l’esprit en vogue, ingénieusement indiscipliné. Un orage de sons, à nouveau, vient à notre rencontre. Ne le fuyons pas: s’il se montre sauvage, il ne ne nous veut aucun mal. Il se laisse dompter, un peu, à l’issue de plusieurs passages sur le saphir.
En son terme The Best Way To Say Goodbye Is With A Silent Ride Off Into The Sunset… Or On A Boat Or Something, tout un programme, démarre sereinement. Au vu du reste, entendons-nous bien. Il avance sur un fil, prêt à rompre. Tiré de la série Anatomical Reissues du label Computer Students, qui voue à certaines œuvres une réexamination esthétique et analytique, l’album est de plus glissé dans une magnifique pochette gatefold affublée d’une affiche. Si le contenu est de taille, le contenant l’est par conséquent autant. Ce dernier titre, prolongé, reste au bord du gouffre, sans s’y précipiter. Sa retenue maintient l’attention, jusqu’aux derniers instants d’un Hey!Tonal à réserver aux initiés, à des encablures de toute attitude assagie et normalisée.