MASSTØ, c’est du costaud. Trois gaillards unis par la passion, l’amour du son. Des Picards -volontairement- pommés entre blues, rock, folk et soul et qui se gardent bien d’en élire un parmi les quatre. Ils font bien, c’est la meilleure des postures. Celle, en tout cas, qui constitue le point de chute de Thomas Orlent (chant-guitare), Timothée Poncelet (batterie-percussion) et Matthias Colombel (basse). Lesquels, après FĀNAU (2019), nous gratifient d’un nouvel EP intitulé Āpī. Six morceaux où les frères de scène, accompagnés par la Lune des Pirates, font feu de toute note. D’abord jazzy, raffinés (Ocean), ils déposent leur marque. Le leader, mon ex-coéquipier sous les couleurs d’un club centenaire, chante avec l’assurance d’un briscard. Si tu me lis mon ami, sache que je ne te ferai pas de cadeau. Mais je connais ton talent, ton humanité aussi, alors il me sera bien difficile de faire dans la critique, si négative elle doit être. Tes collègues et toi, vous assurez sévère. Sans flamber, pas l’genre, mais en peaufinant le rendu. Si l’amorce, retenue, parait osée, elle s’enhardit ensuite et s’offre de bien belles envolées. C’est peut-être là, dans ce non choix entre patine et mordant, que Massto touche à l’excellence. Woman, vocalement rageur, souffle et propage le blues. Dans le son, mais aussi dans le corps et dans l’esprit. Sobre, Massto sait se taire quand il a plié l’affaire.
Ca l’honore évidemment: ce Woman marie les voix, se syncope, s’enflamme…pas trop au final. Dommage, je l’aurais bien vu, je l’aurais aimé, plus acéré encore. Il se tient là, dans un mitan qui lui va tant. Et qui, mine de rien, commence à rendre ses pères identifiables. I’m not your man anymore, lance le sieur Orlent. Blues, cette fois. Celui de l’âme. Qui se pare, ici, d’une feutrine subtile. Guitare superbe. Rythmique sobre et souple, fichtre!, on déconne pas avec la cohérence. Āpī justement (notez ma médiocrité de mon humour…), j’allais oublier: chez Massto, personne n’est assez stupide pour se la jouer solo. On sert l’intérêt du collectif, chacun met ses compétences à la disposition du projet Massto. Misery hause le ton, rythmiquement. Il twiste, balance et prend des airs de fer de lance d’un EP qui ne bat pas de l’aile. Un brin funky, il valide les mérites de ce groupe qui, sur les planches, tient tout autant le bitume et jamais ne s’enrhume.
S’y glisse, louvoyant, Black snake. Celui de la pochette, assurément. Rude et souple, blues et rock, massif et aérien. Lui non plus ne dit pas son nom, tapi entre les genres. Il consacre, en tout cas, les travaux en cours. Āpī makes us happy, on y trouve l’envie de pousser le bouton d’volume. Incartade des guitares, de flamme et de chair. Voix de vétéran, aguerrie. Basse et batterie, un couple. Sans mésentente, loin s’en faut. Ménage sonore à trois, Massto poursuit sa route pépère, dans la qualité. Il aime le live, c’est peut-être bien ce qui l’incite à finir, en l’occurrence sur son Baby’s gone joué à la Lune des Pirates. Du soulful blues, fin, fait maison et joué à la maison, qui conclut dans une élégance habitée. Massto impose sa griffe, tantôt amicale, tantôt plus pointue. Ce faisant, il se fend d’un Āpī qu’on ne peut mettre en cause.
N’allons pas trop loin, il ne s’agit bien entendu que d’un second support. Mais note après note, à pas comptés et réfléchis, Massto aiguise son identité. Puisse t-il, fort de bases solides, perdurer et continuer à nous gâter, à l’avenir, en salle comme sur disque où un LP serait désormais de bon aloi. Ne brulons toutefois pas les étapes, pour l’heure c’est Āpī qui fait notre bonheur. Il s’agit donc d’en goûter chaque bouchée, chaque lampée, avec avidité. C’est du local, on en est d’autant plus fier et satisfait. Le trio, où personne n’est de trop, affiche sur ses six titres des promesses qu’il lui faudra tenir, réelles et soniquement réjouissantes. A l’image de ce que peut caler un Edgär ou un Okala, entre autres fleurons du secteur, pour rester dans le giron du cru auquel on peut croire.
Photos William Dumont.