Outre sa programmation régulière, fournie, et ses Bruits de Lune révélateurs, la Lune des Pirates d’Amiens propose, certains dimanches, des expos-concerts pour le moins plurielles. On y mêle les arts, partage et découverte sont de mise et raflent la mise. Ce 3 octobre nous eûmes droit, pour Cité Sauvage, au menu suivant: l’expo de Pauline Di Valentin, une initiation au collage végétal avec l’Atelier Luluj, puis les concerts de Yolande Bashing, à la folie enthousiasmante, et de Buvette alors que Les P’tits Plats De Pierrick se chargeaient de régaler l’assistance. Le tout gratuitement, les deux lives du soir satisfaisant complètement ma soif permanente, après avoir arpenté l’expo en place, de son qui embarque son monde. Ce son qui te purge, t’extrait de là où tu es.
Expo + atelier.
Dans ce domaine Yolande Bashing, qui répare les vivants, a visiblement pris un malin plaisir à nous abreuver de sa dinguerie scénique, gestuelle remuante à l’appui, alors que son bassiste d’acolyte claquait un groove dément dans un registre pourtant déjà dansant. Rodé à l’écoute de son Yolande et l’amour, je supputais un set déviant…sans toutefois me figurer que le comédien lillois échappé du groupe électro-punk Les Dents ferait un tel carton. Jouer live le transcende, ainsi ses morceaux trouvent une interprétation nouvelle, frappée, animée par une vigueur incoercible. Cris et mimiques, danses vives et plans électro galvanisants, truffés de sons de synthés notables, assaillent la Lune et y plantent l’étendard Yolande Bashing, bête de scène dont la symbiose avec le deuxième élément du délire est évidente. Plus on est de fous plus on rit, ce soir effectivement ça rigole et Yolande, de par certains de ses « Lyrics » en remet une belle louche.
Yolande Bashing.
Les hourras se déclenchent, nourris. Ca gigote sec, les textes sont de plus singuliers; sous des aspects délirants, ils génèrent la réflexion tout en se montrant, en d’autres temps, ouvertement déconneurs…et/ou ironiques, c’est selon. On a besoin de Yolande Bashing, à l’intelligence vive et à l’approche décalée. Punchlines sans égal, force de frappe décisive font de ce gaillard du Nord un artiste précieux, imaginatif, qui met la salle dans sa poche sans avoir à forcer le trait. Je me frotte les mains, déjà, d’avoir à nouveau aLuné. Un tel dimanche soir, ça nous fait presque oublier que le lundi se tient prêt à nous déferler dessus. La géniale étrangeté de Yolande Bashing met un coup d’pied dans la fourmilière, chasse l’idée grise et met irrémédiablement en joie. C’est sous des applaudissements à la hauteur de leur prestation que ces délicieux malfrats regagnent les loges. Ils le méritent; leur raclée du jour, en plus d’être accomplie musicalement, en aura fait twister plus d’un(e). On les suivra à la note en leur souhaitant, cela va de soi, de percer dans l’indé et de rallier à leur cause bien d’autres foules. Tout est réuni pour y parvenir, il n’est plus permis d’en douter.
Yolande Bashing.
On pourrait n’avoir plus faim, se dire repu et se contenter dudit gig. Mais Buvette, dans un registre plus atmosphérique, va lui aussi captiver l’assemblée. Synth-pop rêveuse, douces saccades élans plus alertes, élaborations rythmiques pensées: Cédric Streuli, Suisse basé à Paris, nous refile des mélodies-desserts, sucrées, délectables, en parfait complètement aux P’tits Plats De Pierrick que d’aucuns dégustent dans la salle. Il hausse le ton parfois, avant de retomber dans ses songes sonores. C’est du délié qui fait briller les yeux, s’envole et nous dépose là-haut, perchés, charmés par ses compositions relaxantes et bien prenantes. L’helvète a par ailleurs attiré l’attention du label Pan European Recordings, où résident Flavien Berger, Judah Warsky, Poni Hoax ou encore Lisa Li-Lund, pour faire court. C’est le gage d’une qualité affirmée, celle qui lui permet ce soir de conquérir la place amienoise. On en repart, comme à l’habitude, du bonheur plein les esgourdes, planant, ressourcé. Une habitude à la Lune, bastion des Musiques Actuelles, où le terme de « découverte » prend tout son sens.
Buvette.
Photos William Dumont.