Il me tardait, en cette rentrée synonyme de retour à une forme de normale, de retrouver un de mes lieux de débauche live favoris: l’Ouvre-Boite de Beauvais où pour ma toute dernière apparition, je vis Ausgang avec un plaisir non dissimulé. Ca remonte, tout de même, à septembre…2020. Grande était donc mon impatience lorsque j’appris que Paradoxant, initié par le multi-instrumentiste Antoine Meersseman de BRNS, auxquels se joignent deux membres de Namdose et Ropoporose (sachant que BRNS + Ropoporose = Namdose, rassurez-vous j’ai terminé), figurait au programme de la salle du quartier Argentine. Amené à jouer dans la Barasca, le trio, dont le merch incluait pour l’occasion un grand cru issu de la région d’origine de Romain Benard, son batteur et pas seulement, pour la modique somme de 2 euros, a fait valoir une électro-pop de charme et de chair, aussi doucereuse que, par instants, tourmentée ou accidentée. Le temps de saluer les figures locales, d’un breuvage au bar et d’un coup d’oeil au panier à cd (gratuits, tout comme le live du soir), le trio investit la scène et, sans crier gare, nous emmène dans un monde où beauté et bleus à l’âme voisinent merveilleusement. Fort d’un Earworm sorti en mars de cette année, Paradoxant fait, de temps à autre, son Suuns. Son répertoire, pourtant, n’est dû qu’à ses conséquentes capacités.
On pense aussi à Clinic, ou aux regrettés Nestorisbianca de Lionel Laquerrière, pour cette posture magnifique, aventureuse, entre splendeur vocale, autant qu’instrumentale, et propension à faire dans l’errance porteuse en se jonchant de sons, d’encarts plus acides. C’est prenant, le ressenti d’Antoine est presque palpable. Il s’habille d’élans criés (un Ha ha ha ha de haute volée) et à côté de lui, deux acolytes d’esprit similaire, voués eux aussi à l’exploration sonore et émotionnelle, consolident le registre dans une unité remarquable. Les mimiques, la gestuelle, traduisent tout à la fois émoi et implication. Chez Paradoxant, on n’écrit pas, on ne joue pas, non plus, vainement. On s’exprime, sans fard. On susurre comme on peut brailler, on évacue. On exalte le sentiment et ce faisant, on se crée une série de morceaux d’une teneur irréprochable. Lou Wéry, derrière son clavier, lâche des salves dans lesquelles on plonge, où on s’immerge. Les deux hommes, en parfaits instrumentistes, investissent manches, micro et tambours avec la même aisance, au gré des morceaux joués. Nous sommes peu nombreux; ça me va, j’éprouve la sensation, d’autant plus forte, de vivre un moment privilégié. Je fige, appareil en main, ce que j’estime être les « images à retenir » de ce show envoûtant. Musicalement, notons-le bien, c’est l’entièreté du set qu’on se doit de savourer, sans modération. L’ivresse sonore, ça ne peut faire grand mal.
Le Paradoxant est de plus modeste, discret. Sans exubérance, dans une vérité qui l’honore, il met ses créations à nu, les interprète comme il vit, très certainement, les saisissements qu’elles soulèvent. Des lumières de toute beauté soulignent, surlignent même, son live d’une heure sans creux ni faute de goût. Antoine Meersseman annonce le dernier titre: j’en profite pour, comme avec toute potion sonique digne de ce nom, en goûter avidement les ultimes gorgées. J’en oublie que dans ma poche sommeillent les 2 euros avec lesquels j’aurais pu, en plus d’un set de classe, profiter d’un cru de la vigne à l’effigie de Paradoxant. Qu’importe, je repars en planant un peu, encore là-bas, pressé tout de même car je sais qu’à l’arrivée à Amiens m’attend le traitement des photos. L’absent, une fois de plus, passe à côté d’un temps fort. Lequel se verra suivi d’autres scènes tout aussi bienfaisantes, à découvrir via le site de l’ASCA qu’on remercie à nouveau, avec gratitude, pour ce concert marquant et la qualité récurrente de son accueil.
Photos William Dumont. Plus de photos ici…