Gustaf réunit Tine Hill (basse), Vram Kherlopian (guitare), Melissa Lucciola (batterie), Tarra Thiessen (voix, percussions) et Lydia Gammill (voix principale). Après deux ep remarqués, le groupe sort son premier album, Audio Drag For Ego Slobs. Dix titres aux airs de B 52’s (Book, excellentissime), d’ESG, passés au filtre Gustaf. Choisi pour ouvrir pour Idles, sur une tournée toute proche, Gustaf empile les bons titres, groovant à l’ancienne sur un son de maintenant. Distingué un peu partout, il débute avec un Mine aux riffs syncopés façon Gang of Four. Le morceau tranche, groove rude, pose un refrain qu’on reprend. Book, aux voix façon…B 52’s à nouveau -on y revient-, entre féminin fou et masculin barjot, tire une seconde balle bien foutue. Jet gagnant, d’une énergie qui imprègne l’auditeur. Sans inventer, on s’en balance un peu d’ailleurs, tant que le rendu s’estime, Gustaf ajuste l’amalgame de ses différentes sources. On ne lui en demande pas plus, il n’y alors plus qu’à se livrer tout entier à l’écoute de ses sillons. Lesquels, à l’occasion d’un Best behavior plus tempéré, conservent leur pouvoir de séduction. On sait, chez Gustaf, orner ses compositions avec goût.
Dream, fort de ces gimmicks déterminants, valorise choeurs et voix lead, à l’unisson déviant. Ca se danse, bien sûr, sans forcer le moins du monde. Audio Drag For Ego Slobs peut retomber en vigueur (Liquid frown), il n’en pâtit aucunement. Il continue, sans s’y compromettre, à privilégier la bifurcation, qu’elle soit abrupte ou modérée. The motions, ondulant, porté par une basse chaloupée, poinçonne le ticket de Gustaf pour la caste des clans à pister. D’aucune diront que très bientôt, on n’en parlera plus. La belle affaire, pour l’heure on est foutrement satisfait. Cessons de comparer, cessons de régresser par de fréquentes références au passé. Notre époque regorge de combos valables: Gustaf en est, qu’on se le dise. Il vaut déjà beaucoup pour ce disque qui, je l’espère, l’amènera à jouer dans nos contrées.
Photo Felipe Crop.
Cruel, entre coolitude et riffs crus, dans un bel équilibre, y résonnera avantageusement. Dog, aux sons de guitare parfois Pixiens, tout autant. Gustaf est bien armé, prêt à faire suer les salles. Package, avec de l’allant, une pluie de sons et vocaux loufoques, au contrepoint qui pourrait rappeler la paire Björk/Einar du temps des Sugarcubes, s’impose à son tour. C’est Royal Mountain Records, basé à Toronto, qui sort l’album et c’est là, aussi, un gage de qualité. Bush Tetras ou Delta 5 ne sont pas très loin: on en retrouve en tout cas, ici et de manière fréquente, l’approche et la valeur. C’est déjà pas mal, du tout, au vu du statut inhérent à ces deux formations. Happy, dans une étoffe soyeuse et déliée, vient clore le chapitre sans dénoter ni vaciller.
Le bilan est positif, à aucun moment on ne sent de fléchissement. Tout juste pourrait-on déplorer, histoire d’ergoter, le côté épars des embardées bruyantes. Ca n’empêche guère Audio Drag For Ego Slobs de produire un effet constant, un plaisir durable, sans autre prétention que de ficeler des morceaux de choix et de parfaire une vision personnelle. Le procédé est en bonne voie, il met brillamment en lumière un quintette qui a également déblayé la scène pour James Chance et Martin Rev. Prenons-en bonne note. Là aussi, c’est un signe de fiabilité que l’opus en présence confirme sans laisser d’espace à la médiocrité.