Violoniste belge, et pas seulement, Catherine Graindorge exerce au sein de Nile on waX, mais a aussi officié pour Nick Cave, Mark Lanegan, Hugo Race, Yann Tiersen ou Bertrand Cantat. Eldorado est son second album, son instrument y apporte évidemment une coloration inédite. C’est en quelque sorte…son Eldorado à elle, fait de pièces ambient qui demandent l’immersion pour ensuite faire impression. Une suite de compositions à dominante instrumentale, dont la voix peut émerger, comme à l’occasion d’un titre éponyme sombre et captivant, de manière songeuse et narrative, comme oubliée. Elle revient, d’ailleurs, en Anglais cette fois, pour border le joliment souillé Ghost train, que le violon magnifie. Plurielle dans ses travaux, Graindorge ne peut se résoudre à épouser la norme. On la suit volontiers, par conséquent, dans ce qu’elle entreprend. Même dans la quasi inertie, lorsque Rosalie troue la nuit avec lenteur, elle parvient à accrocher les sens, à les perturber. Expérimental, son disque est de ceux qu’il est nécessaire d’aller « dénicher ». D’aucuns décrocheront, il est vrai que la mission peut s’avérer périlleuse. Mais l’aguerri sait qu’à l’issue, l’attend un voyage marquant.
Ainsi Lockdown, lui aussi trouble, sort t-il sans hâte d’une torpeur à laquelle nous étions sur le point de succomber. Eldorado embellit l’obscur, le souligne également, l’explore et en rend toute la sève. Au mitan de l’opus Sailing In The Air, court, le rendrait presque serein. Mais le contour, toutefois, reste gris. Nuptial, ou crépusculaire. Butterfly In A Frame accroît le sentiment de trip répétitif, pénétré par des motifs imaginatifs. Il parait s’emballer, rompre presque, sans s’y résoudre. Il se fait drone, la contribution de John Parish (PJ Harvey, entre autres) contribue à singulariser le rendu. Profondément humaine -une lecture de sa bio suffira à le prouver-, Graindorge traduit, ici, des ressentis et réflexions dont chacun se nourrira jusqu’à éprouver ses propres émotions, faire émerger ses propres interrogations. Ou, tout simplement et sans plus d’attente, s’oublier dans l’audition. Fuir, chercher ce havre de paix salvateur qui parfois nait du chaos.
Kangaroos In Fire, après un Before The Flood très bref, l’y guidera. Lancinant, il referme la porte d’un univers personnel, mais ouvert à l’autre. Eldorado sort chez tak:til, gage d’audace certain, et chez Glitterbeat, ce qui ne fait que le rendre plus crédible encore. J’en regrette, amateur du fait, le trop peu d’interventions chantées/parlées. Ca ne gâche rien, néanmoins; l’effort reste attrayant dès lors qu’on en a dépassé le parti pris « free » et apparemment immuable. Eno, en hommage à l’intéressé, où Parish joue de la guitare, lui met fin dans un déroulé psyché, vaporeux, prenant comme l’est le reste de cet Eldorado à part. En solo autant que groupalement, Catherine Graindorge déroute. Elle emprunte des voies -et voix- inédites, faussement et sinueusement linéaires, qui nous arrachent à notre confort et nous imposent une posture plus incertaine, dont on finit par s’éprendre au terme d’un Eldorado libre et sans courbettes à la normalité.