Fair Visions est le projet synth-pop du compositeur Ryan Work, qui traite majoritairement du doute et de la solitude, et trouve son assise rythmique dans les recoins dark de New-York, où il est né en 2017. Le bonhomme avait alors quitté, en proie à l’incertain, sa ville natale du Tennessee. S’ensuivirent deux ep dont celui-ci, nommé Modern Kids. Le dernier en date, porteur de petits hymnes synth-pop donc, mélancoliques parfois, à d’autres moments plus enlevés, en tous les cas fortement attractifs. Vocalement, des airs de Depeche Mode s’en extirpent. Down, superbe entrée en matière au mitan de la douceur et de tons plus acidulés, permet l’envol idéal. Léger, racé, donc, dans la voix, il convoque synthés sans poids et guitares discrètes mais marquantes. L’alliance idéale, au service de penchants tristounets assez enlevés pour qu’on les valide. Et que le titre éponyme, un tantinet cold, serti avec imagination, sans surcharge, complète en groovant comme on aime. Deux morceaux, deux réussites qui ne se discutent pas. On est bien arrimé, Work assure un bon boulot (elle était facile..) et se montre à la hauteur. De ses désillusions émerge un langage musical auquel on ouvre volontiers nos portes.
Solo, il se distingue et parait, dans l’autonomie la plus totale, trouver la posture qui lui sied. Il lui arrive, on approuvera à nouveau, de pousser ses déviances sonores. Sur The soft machine, plutôt alerte, il lie chant élégant et gimmicks de choix. Le synthé est présent, sans envahir le tout. Il brode des lignes remarquables, le rythme se brise. Des encarts spatiaux arrivent. Puis ça repart, dans le soutenu. J’aime, la trouvaille est valable. Channel, un peu plus loin, traverse un terrain nébuleux. Puis il se fait sombre, mordant autant que mélodieux. Le brumeux revient, psyché, avant de se faire brusquer par une dynamique électro-pop bien amenée, de bon aloi. C’est du bon, on n’en disconvient surtout pas. On y prend en tout cas plaisir, là où Fair Visions relate une certaine forme de déplaisir. Il le fait, c’est un fait, remarquablement. Il enchaine avec New values, de même valeur. C’est à dire excellent, doté de guitares qui peuvent s’aiguiser.
Aucun creux, aucun temps faible n’est à déplorer. J’en connais, dans mon entourage, qui comme moi vont l’adopter sans atermoiements. Modern Kids capte l’attention, de A à Z. Alors Threads, s’il conclut l’affaire, n’est évidemment pas en reste. Presque folk en son début, il se montre, de manière dominante, ouaté. Il s’habille de petits sons, volants, et d’une teneur mélodique qui s’anime après ses trois premières minutes, s’emballant tout en conservant sa belle parure. On peut plier les voiles, la traversée fut plus qu’appréciable. Ryan Work a des choses à dire, à évacuer, un registre à faire valoir aussi. Modern kids en est la parfaite illustration, représentée par six plages d’un attrait constant qui se succèdent, c’est à relever, sans jamais baisser en qualité.