D’abord voué à une électronique sans oeillères, au sein d’Encre, Yann Tambour s’en en est ensuite revenu, au sein de Stranded Horse, à ses premiers émois folk. Epaulé sans flancher par Boubacar Cissokho (kora donc dépaysement), Miguel Bahamondès-Rojas (chant, violon, claviers) et Sébastien Forrester (percussions), il fait brillamment suite à Churning strides (2007), Humbling Tides (2011) et enfin Lux, en 2016, avec un Grand Rodeo sacrément bien nommé. En huit titres où la flamboyance du kora, d’une acoustique racée aussi, font face à des embardées plus hérissées, le clan met tout le monde d’accord. La folk de Stranded Horse n’est pas de celles qui se répètent; elle aime à prendre vie, à s’animer, à prendre la tangente là on ne s’y attend pas…ou plus. Carla Pallone, sur Le ciment dessous nos pieds, se « gueste » et corde la chanson. Avec, qui s’en étonnera?, une prestance qui, alliée à l’organe de Yann, à une instrumentation qui chaloupe et ne cesse de briller, consolide un début d’album que Towards a Waning Glow avait déjà grandement crédibilisé. Son jeu vif et sobre, ses soubresauts qui, s’ils se faisaient plus enflammés, m’évoqueraient 16 Horsepower, le portant vers les sommets. Le tout avec une identité, reconnaissable, qui fait que dans l’immédiat, on se réjouit de renouer avec le groupe. Lequel, world au sens large, raffiné dans ses arrangements, s’abreuve à diverses sources musicales, divers rus stylistiques pour, à l’issue, façonner sa propre matière.
En résulte, on l’aura saisi, un disque à l’audace qu’on ne pourra que louer. In a Sharper Fairway, aussi finaud qu’imperceptiblement tendu, en son arrière-plan, faisant à son tour sensation. Grand rodeo, à mon sens, est de ces oeuvres que de prime abord, on ne capture pas dans son entièreté. Il importe d’aller le chercher: dense et singulier, il ne se livre, libre, qu’au terme d’écoutes en nombre. So Low, qui louche vers une Angleterre, un temps terre d’accueil, que Yann se désole de voir vaciller à ce point, monte progressivement en intensité jusqu’à, sur son second volet, secouer le cocotier -celui de contrées nourricières pour son ouvrage- avec, tout à la fois, vigueur et splendeur. C’est encore, pour le coup, à David Eugene Edwards que je songe pour ces poussées fiévreuses à la magie confondante. Entre Anglais et Français, dans le mot, Stranded Horse sautille et enjoue sur sa Rumba du trépas, qu’on aurait pourtant prévue moins guillerette. Son pouvoir réside, aussi, dans ses airs euphorisants, dont la teneur chasse l’idée noire. Sparks Turn to Stone, serti avec le goût qu’on connait à nos quatre bonshommes, s’intensifiant de manière progressive avec, comme de coutume, une patine qui nous force à l’approbation.
Photo Jasmine Bannister.
Plus loin, c’est Thiely qui marie les voix, désoriente sa folk et ce faisant, un auditoire voué de toute manière au déracinement. Pour la quatrième fois, Stranded Horse fait foi et use d’un registre qu’on peut lui envier, mis en exergue, en une ultime occurrence, par So High. Dernière perle ténue d’un ensemble précieux, personnel, dans lequel chacun donne le meilleur de soi et s’applique à servir l’intérêt collectif. Un Grand rodeo boisé, chatoyant, en d’autres temps plus « wild », toujours avec classe et maestria. Une épopée éditée par Ici d’Ailleurs, label résolument indé, où le sieur Tambour a récemment signé après un bout de chemin prolongé dans les murs de la structure Talitres.