Chaleur Humaine, le premier album d’UMAN, duo français composé de la fratrie Danielle et Didier Jean, parut pour la première fois en 1992 sur Buda Musique, le label de Gilles Fruchaux. Unique à l’époque, il le reste de nos jours et le label new-yorkais Freedom To Spend a la bonne idée de le ressortir, pour en mettre toute la teneur à jour. Sans appartenance précise, uniquement lié aux désirs et idées de ces deux êtres émancipés des normes, le disque recueille dix-neuf titres aventureux, souvent aériens, marqués par une identité qu’on ne retrouve pas ailleurs. Dédié à de nouvelles formes, enregistré dans le studio personnel du frère et de la soeur, il s’envole dès Человечность, courte pièce introductive chantée en…Russe, si je ne m’abuse, narrative, perchée dans la stratosphère. On est de suite happé, enveloppé dans un halo de tranquillité. UMAN spirit suit, selon un chant qui n’est pas sans rappeler Liz Frazer, de Cocteau Twins, dans ses temps les plus posés. L’ornement est réduit, le rythme quasi-inexistant et pourtant, ça prend. Des petits sons presque bridés, décisifs, décorent une collection aussi addictive que le Colossal Youth des Young Marble Giants. Aubade, cold et belle, se fait alors entendre. On prend note, là aussi, de la valeur d’un minimalisme de génie. S’il surprend au départ, s’il décontenance presque, Chaleur Humaine, bien nommé, captive par la suite. Il faut l’aller-chercher, passé l’effort on est dans le confort. Celui, flemmard et céleste, d’un série de compositions à l’écart des diktats usuels.
Human warmth -tiens donc-, de ses bruits dark, prolonge, sur un temps très bref, l’extase. C’est un shoot de léthargie, bienfaisant, que nous administre Uman. Ses effets ne se démentiront jamais: Entrelacs leur donne de la vie, à l’aide de douces syncopes, tout en mettant en exergue les vocaux de Danielle. Diantre!, on n’est vraiment pas dans l’attendu. Mémoire vive (Grand Blanc, si tu me lis…) s’enfonce dans les cieux, traficote ses voix. L’emprise est totale, le titre éponyme raconte une histoire et fait retentir des sonorités dépaysantes. Cordes sensibles, dans ses pas, prend des airs d’opéra. En se répétant, « gimmickement » parlant, Chaleur Humaine aura raison de chacun d’entre nous. Ses cadences chaloupées, éparses, nous sortiront de notre délicieuse torpeur. J’ai l’irrépressible envie, à l’heure de décrire l’album, de m’arrêter à chacune de ses étapes. Maelström, magiquement serti, en est une qui marque. Il ondule, groove sans hâte et nous reste dans les pattes. البشري الحرارة désoriente plus encore, par l’usage de l’Arabe. Atmosphère, c’est le cas de le dire, valide les aptitudes « climatiques » inhérentes à ce qu’enfante la paire. Il se cuivre, avec parcimonie bien entendu. Calor humano se dénude, à l’instar de l’ensemble. Human hypnotise, ses vocaux décollent et caressent, de même que ses sons. De sa brume surgissent des violons obscurs ou plus mélodieux.
Immersif, Chaleur Humaine détonne et brise la glace. Hơi ấm của nhân loại déroute à son tour, la multiplicité des langages exposés étend la sensation de déracinement que depuis le début, l’auditeur ressent. Lalala, vocalement étonnant, suit cette même voie fantaisistement spatiale. Ecouté, chez moi, au réveil, Chaleur Humaine me permet d’émerger avec lenteur, dans le sillage d’un son et de voix réellement prenants. Menselijke Warmte oppose les timbres, il est bref mais se remarque. Ménestrel opte pour un ton léger, exotique dans ses bordures. אנושית אש l’est tout autant, voire plus encore. Il dégage des saveurs d’orient, dure lui aussi peu de temps mais parvient à marquer son monde. Enfin Déambulation, fort de ces sons qui s’incrustent dans la tête, de touches jazzy sans complexité, conclut un ouvrage décalé, donc précieux, dont le contenu justifie amplement la ressortie. On en remercie donc Freedom to Spend, au catalogue riche et ouvert, libre, cela va de soi, tout en saluant la dextérité des Jean à se mouvoir dans un créneau qui ne doit rien à quiconque si ce n’est eux-mêmes et leur fertilité dans la création.