Multi-instrumentiste chez NLF3, chanteur guitariste dans Prohibition, Nicolas Laureau en arrive à son septième album, sous l’appellation Don Nino, avec A Beautiful Cloud. Celui-ci ponctue vingt ans de carrière solo, fut conçu en quatre jours…dans un pré. Il sert d’échappatoire et de ce point de vue, réussit dans son entreprise en nous servant une pop lo-fi de première main, agrémentée de touches électro discrètes (A place), digne des plus grands de la mouvance visée. Ca ne me surprend que peu, au vu du pedigree affiché on sait l’artiste capable du meilleur, niché à des années-lumière de la médiocrité. Son Beau Nuage aligne dix vignettes que le titre éponyme, entre batterie marquée et sons souillés, dévoile sur des tons dont on s’amourache. Soignée mais aussi « ternie », si on peut dire et non sans brio, par son auteur, l’entrée en matière le montre d’emblée au sommet de sa forme créatrice. Watching the skyline arrive ensuite, doté de motifs qui nous resteront dans le crâne. Il renvoie, aussi, une mélancolie intense qui, à tout moment, menace de faire péter la soupape. All necessarry changes, élégamment noisy, m’évoque Number One Cup. Les 90’s donc, la folk aussi, la lo-fi que parfois on déclinait sur des disques de vingt titres. Ca fleure bon le savoir-faire; Laureau use du moins, en termes de matériel, pour enfanter un rendu sans tâches si ce n’est celles, voulues, qu’il sème sur son oeuvre.
Passé A place, nommé plus haut, remarquable, c’est Rainbow qui entérine ses dispositions. Soniquement merveilleux, animé par une batterie à nouveau en vue, il débite presque en mode hip-hop. Don Nino nappe son nuage de sons imaginatifs, le laisse flotter, voler au vent. Celui de ses poussées, vocales autant qu’instrumentales. Tantôt vif, tantôt plus amical, sans cesse inspiré, il surnage. Fascinating times exhale une beauté pure, un raffinement que sa cadence élève très haut. Le discours, une fois encore, se passe du superflu. Ce faisant, il touche au coeur et fait preuve d’énergie en dépit d’abords, en apparence, posés. Sensiblement écorché, le sieur Laureau évacue, narre ses histoires et distille de l’espoir. Ses lézardes, bienvenues, ne font qu’embellir, plus encore, A beautiful cloud. Qui, d’une sérénité que sertissent des sons bien trouvés, tend à nous rassurer sur notre sort. On prend donc, trop heureux de bénéficier d’un tel outil de résilience.
Photos Céline Guillerm.
By the fence, fort de légères « cascades » de tambours, se fait exotique. Il désoriente donc, sans qu’on s’éloigne d’une cohérence affirmée dans le rendu. Don Nino maîtrise son panel, il a d’ailleurs du prendre un plaisir, à la conception de son opus, dont ce dernier nous inonde de A à Z. On part alors pour A ride, pas moins dépaysant, tout aussi abouti. Il percute, se fait brut, vocalise derechef avec une foutue prestance. Il y a du style, sans conteste, dans la discographie de Don Nino. Une agilité accrue par des années de pratique, de réflexion, de remises en question, d’affirmation d’une approche complètement à lui. In the distance en fait étalage, ombrageux, truffé de ces climats et gimmicks qui réjouissent le parterre de fans. Jonché, aussi, de sonorités stimulantes derrières lesquelles l’ombre se tapit. A beautiful cloud est aussi inquiétant que rassérénant, accompli au possible. Il résulte, d’abord et avant tout, d’un esprit fertile et aiguisé.
A l’issue Walks, ultime virée faussement tranquille en pays Don Nino, pose ses douces saccades. Un chant, en surplus, expressif, sans faux-semblant, qu’accompagnent des traces et ornières lo-fi dont Laureau a le secret. Elles font toute la teneur, d’ailleurs, d’une fin d’album à la réitération obsessionnelle. La réussite est totale, Prohibited Records et son poulain aguerri peuvent se targuer d’une sortie significative de plus qu’agrémente, cerise sur le gâteau, une série de clips largement à la hauteur de ce qu’ils viennent illustrer. Superbe ouvrage, comme de coutume, à mettre à l’actif de Don Nino.