Diantre! Fichtre! Que ce fut bon! Habituée, lorsqu’elle remet le collier, à nous gâter sévère, la Lune des Pirates impulsait sa saison, ce 7 septembre fébrilement attendu, avec le Hypnotic Brass Ensemble. Une formation de frérots ricains, tous fils du trompettiste Phil Cohran, au registre qu’on ne peut réduire à la simple mouvance jazz. Des bêtes de scène, à la puissance cuivrée divinement exécutée, la plupart du temps instrumentale -sans que le format n’entache la performance et l’impact généré, loin s’en faut-, parfois chantée sur un débit hip-hop soutenu ou encore jazzy. Après une attente trompée par les retrouvailles avec les lieux (mais qu’elle est belle, cette roue de vélo mythique qui orne le plafond lunaire!), les gaillards débarquent, visiblement prêts à en découdre…et l’impression va, sans tarder, se vérifier de manière bluffante.
Salves funky, fanfare à l’ensemble ébouriffant, section rythmique serpentant (le bassiste, un killer…), effluves jazz suaves ou percutantes: il y a tout, dans ce que fait le Hypnotic Brass Ensemble, pour faire chavirer la salle. De nouvelles têtes, mises en joie par le spectacle, arborent une mine au delà de la félicité. Revenez vite jeunes gens, vous êtes ici au bon endroit, vous y avez vos droits. La communion est totale, les hourras fusent et chacun crie sa liesse. Longtemps sevrés, nous n’en perdons pas une miette. De compositions déliées en ruades émaillées d’une gestuelle agitée, c’est un carton que les bonshommes de Chicago nous font ce soir. On n’en demandait pas tant; je le pressentais certes, connaissant la qualité de la prog’ du coin. Mais, il importe de le noter, la prestation délivrée est plus que satisfaisante.
Il fait chaud dehors, dans la Lune plus encore. Ils sont torrides, ces frères, et inlassables. Pour celui qui n’est jamais venu, le souvenir sera indélébile et pour une première, il en ressortira la tête dans les étoiles, secoué et comblé, l’esprit enjazzé pour de longues semaines. C’est ça la Lune, et je me plais à le répéter: découverte, ouverture, curiosité, partage et cachet de l’endroit. Le set du moment pulse sans relâche, il passe comme un ouragan et à vitesse grand V, comme tout live à la portée considérable. On en oublie que derrière tout ce bonheur, la pandémie continue à nous imposer prudence et respect des consignes. Il nous emportent, ces autoproclamés « bad boys of jazz », aux cimes de l’allégresse, dans une béatitude qui se traduit par, dans les yeux et sur les faces, dans les corps qui dansent, une forme de plénitude à laquelle seul le son peut donner vie.
C’est bien de ça, d’ailleurs, qu’il s’agit: vivre, se sentir revivre, s’abandonner à la magie d’un concert. Horaire oblige je ne verrai pas mon ami Loxic, DJ à l’éventail large et sans barrières, similaire dans l’esprit à ce que fait le Hypnotic Brass Ensemble, faire valser la foule. Je connais, toutefois, son savoir-faire et son agilité à mixer des sons et genres, à la base, prétendument incompatibles. C’est donc sur ses oeuvres que la soirée trouve son terme: elle fut parfaite et à l’instar de tout événement se tenant à la Lune des Pirates, on s’en extirpe avec l’envie pressante d’en arriver, déjà, au prochain live prévu sur le quai Bélu.
Photos William Dumont.