La disparition du grand Dom’, en juillet de l’an dernier, nous a tous mis à l’épreuve. Le choc fut rude car outre un rockeur doué à la discographie haut de gamme(s), nous perdions un ami, une personne humble et attachante au possible. Lors d’un concert dans ma ville d’Amiens -un jeudi soir, je me souviens précisément- je dus annoncer la nouvelle à deux autres convertis. Nous regardâmes le ciel, l’horizon, croyant presque y voir surgir le visage familier et bienveillant du sieur Garreau à l’expérience aiguisée. C’était un leurre, aujourd’hui encore beaucoup en pleurent. J’avais pour ma part croisé, en live et à l’occasion d’échanges qui les ponctuèrent, l’auteur de ce Cold Tears qui fut, pour moi, le ticket d’entrée dans un monde rock pétri de vérité. Fort-Mahon, pour l’un de mes premiers live, après que des proches aient fait raisonner, dans ma maisonnée, les morceaux d’un premier opus fabuleux. Une bourrasque. Bien plus tard, Roubaix. Puis Lille. Cold Tears à deux, avec l’inénarrable Vincent Sizorn, bandes à l’appui. Mythique, roots, sans faux-semblant. A l’image de Dominic, un mec vrai. D’une gentillesse à toute épreuve. Humain. Alors quand fut officialisée la (re)sortie dudit disque, agrémenté de cinq bonus qui valent bien plus qu’un simple détour, je me tins à l’affut. Depuis cet après-midi, enfin, je tiens entre mes mimines fiévreuses de plaisir ce digipack, chopé dans l’échoppe de Thierry Taupier. La Malle à disques.
Je n’ai d’yeux que pour lui, ce Cold Tears de référence. Dans ma Pioneer argentée sonnent ses accents rock acérés, ses percées acoustiques à la superbe indéniable. Je m’enivre. When my tears run cold. Si mes larmes, à l’heure de l’écoute, sont chaudes, l’entrée en matière est, elle, ardente et riffeuse. Un premier morceau qui flingue, joué serré. Puis Shadows in the fire, qui lui aussi brûle d’un « fire » rougeoyant. En deux titres, déjà, on se plie à la dextérité de Dominic Sonic et ses acolytes d’alors. Une sacrée belle clique, où siègent A. Sloan (claviers), Tonio Marinescu (batteur de Kalashnikov), Pierre Corneau (de Marc Seberg), et Bénédicte Villain (de Passion Fodder), en plus bien entendu du gars Sizorn. Un lieutenant. When I’m looking at them, à l’attaque presque pop-folk bien alerte, les montre d’ailleurs largement à leur affaire. La loi des pauvres gens, aux airs d’Arno, étend encore le registre. Gouailleur, il fait la loi. Celle de ceux qui ne trichent pas. A sa suite l’épatant Praying to the lord, au rock à nouveau mordant, fait lui aussi foi. De morceaux de bravoure en variété de tons, Sonic tient bon la barre. Le navire, dirigée par une fière équipée, s’en va faire valser l’échiquier rock de son époque.
What I’m waiting for, d’abord délié, l’y aide en faisant vriller ses guitares. Puissance rock, mélodies qui se greffent au cortex. Cold turkey, de Lennon. Rugissant, chanté avec intensité. Joué sans se disperser. A s’y méprendre, perle folky au sentiment non dissimulé. C’est effectivement A s’y méprendre tant la chanson, sobre, respire le ressenti. Comme dit plus haut, chez Dominic on ne fait pas dans le faux. Jamais. Call me mister, torpille rock d’une force qui en donne (de la force). Refrain qu’on braille, flamme qui même avec le temps refuse de s’éteindre. Un Acid Sonic…acide, oui, assurément. L’hélico décolle, dans un fracas de batterie et de guitares triturées, sauvages, trashy. Il montera haut, à l’instar de ce disque qui outrepassera les 40 000 ventes. Le rock, le vrai, reconnu. Quelle jouissance! On peut ensuite baisser la garde, sûrement pas le niveau. I’ll stay downtown, pendant anglicisant d’ A s’y méprendre. Sensations similaires. Dans ses pas l’enfiévré et dénudé Cocksucker blues, signé Jagger à la base. Voilà pour la partie Cold Tears, où le détracteur -s’il en existe- serait bien en peine de dénicher la moindre faille. « Essaye même pas », comme diraient mes potes des Hauts de France.
On accoste alors en terrain inédit(s), réunis en leur temps sur un EP. Et voilà qu’une version plus vive d’ A s’y méprendre nous charme l’oreille. Pop-rock, splendide. Acidulée, imparable. En termes de bonus, il apparait que Crammed s’y est plutôt bien pris. Shadows in the fire retranscrit, férocement, à la galopade, l’impact live de Dominic. No fun, joué également à l’Aéronef de Lille, en offrande wild. Sonic, ne l’oublions pas, à oeuvré pour les Stooges. En ultime cadeau live, ce Praying to the lord saignant, syncopé, speedé, exécuté à Caen. Un parpaing, qui bruisse et groove avec allant. Je pousse le volume, comme Dom’ poussait les potards. Dans le rouge, celui d’un rock à vif. Bonheur Sonic, force de frappe qui ne peut se contrecarrer. Huit minutes de tonnerre, de bruit divin, auxquelles succède une ultime perle nommée Pain song. Folk et intense, c’est la cerise sur le gâteau, dont on ne gâche pas la moindre miette. Dominic Sonic, quel que soit le registre choisi, fait feu de tout bois. La réédition ici présentée, précieuse, remet au goût du jour un homme sans égal, signataire de ce repère du rock d’en France pour moi, et nombre d’autres, entièrement intemporel.