En fouinant sur le Bandcamp de Fire Records, on chope de la pépite indé. Celle de Kristin Hersh, édition « gold vinyl » d’un opus paru en 2016 en cd + livre, en est et voit la dame des Throwing Muses et de 50 Foot Wave, pour le coup, assurer toute l’instrumentation, de même que les vocaux bien sûr. Ses trames indie-folk, magnifiques, se déclinent sur un panel large et constamment concluant. On débute sur des tons posés, ombragés, quand se présente Bright qui, toutefois, s’anime sous le joug de la batterie et du chant qui s’exalte, se crispe aussi en fond sous l’effet d’un violon bruissant. Bubble net, aux touches country-folk élégantes, assure une suite de même qualité. In stitches fait valoir un jeu fin, sensible, et une brillance folk rudoyante qui perdurera jusqu’aux derniers instants du disque.
C’est tout de même sur vingt-quatre tires, notons-le bien, que Kristin nous charme. La chanson s’emballe, de manière régulière on trouve ici des encarts qui mettent de la vie, et de l’écorchure, dans un tout déjà probant. Secret codes rudoie, gentiment, sa folk luxuriante. Green Screen pousse le tumulte un peu plus loin encore, par la même occasion il étire le champ d’action parcouru. Il se fait bruitiste, même, donc d’autant plus réjouissant. On le sait, on l’a compris: on est parti, en l’occurrence, pour un bout de chemin du plus bel acabit. Hemmingway’s Tell, entre ouate et moments plus tapageurs, merveilleux, nous conforte dans l’idée. Detox, de sa basse ronde, aussi souillé que bien mis, alterne lui aussi grâce et dynamique rock…sur des tons indé, cela va de soi. Wonderland l’imite, imparable.
Le chant, impactant, ajoute au pouvoir de séduction qu’engendre l’album. Lorsqu’on retombe -c’est le cas avec Day 3, dont le second volet prend néanmoins une tournure plus grinçante, ou sur ce Diving Bell aux accords pleins de vie, la valeur demeure. Killing Two Birds suinte, ainsi, ce folk vivace bien que sobre, qui n’hésite jamais à « redescendre » pour ensuite regagner en force de frappe. On est gâté, Wyatt at the Coyote Palace s’étale sur le format d’un double album et donc, nous choie sur la durée. Guadalupe et ses « Pa-pa-paaa » rêveurs nous dépose au mitan du bon temps, je me surprends malgré la longueur de l’objet à en détailler toutes les compositions. Ca signifie, à l’évidence, que rien n’est à négliger. American Copper pose le jeu, avant de s’encanailler. August fait de même, au gré d’intonations indé griffues. Some Dumb Runaway prend la suite dans la superbe, poste à son tour une dynamique indie aux reflets noisy. C’est du grand art, ce Wyatt at the Coyote Palace à la ressortie pleine d’allure tant sur le plan visuel qu’au niveau sonore. From The Plane s’appuie, quand vient son tour, sur la folk énergiquement acoustique de l’Américaine. Sun Blown percute, porté par une batterie impulsive. On n’a que du bon, du très bon, de la track de haut niveau, à se mettre sous la dent.
Elysian Fields (hommage?) suit d’ailleurs la voie favorite, entre patine et souci d’ « attaquer » soniquement, de Hersh. J’y entends un peu, dans cette acoustique batailleuse, New Model Army. Some Gone Slapstick confirme mes dires, beau et belliqueux. Les chansons sont parfaites, on est bien loin de s’en tenir à un série folk sans trop de relief. C’est tout le contraire, Cooties reste tranquille mais dans l’ensemble, Wyatt at the Coyote Palace renvoie un certain caractère. Christmas Underground, magnifique, revient d’ailleurs à des abords splendidement abimés, fins et rudes. Between Piety and Desire, bien qu’on en soit, déjà, au quasi-terme des débats, l’imite en se faisant « cordé ». Il se vrille, fronce son arrière-plan. Fire Records, dans ses choix de rééditions, ne se trompe jamais. En attendant Pere Ubu, prévu pour septembre, celle de Wyatt at the Coyote Palace brille de mille feux. Shaky Blue Can en attise l’éclat, sans s’emporter outre-mesure.
On en vient alors à la toute fin mais qu’importe, depuis longtemps déjà on s’est rallié à la cause d’une artiste au parcours éloquent, d’une part, et ponctué par des ouvrages sans défauts. Alors Shotgun, amicalement rageur, termine le disque en dérapant classieusement, en variant les tonalités vocales avec panache. Sur plus de six minutes, il greffe folk sublime et lézardes rock d’obédience 90’s. Jusqu’au bout on se sera trouvé sous l’emprise, avec délices. Recueil de haute volée, Wyatt at the Coyote Palace est voué au succès, qu’on espère à la hauteur du talent de sa génitrice. Il vaudra aussi pour le plaisir des yeux, grâce à ses deux vinyls couleur or sur lesquels on n’a pas fini de poser et reposer nos saphirs. Superbe disque.