Issue de Bristol, Lucy Gooch pratique un son éthéré, basé sur le chant et les synthés, assez singulier mais dont il faut se draper pour vraiment l’appréhender. Rain’s Break est son deuxième EP, brumeux, porteur de cinq titres aux airs de quitte ou double car comme dit plus haut, un effort d’assimilation s’impose et à son terme, on peut adhérer tout comme on peut décrocher. Le titre éponyme donne un aperçu du tout, entre voix douce et claviers sombres. Tout cela se suffit, l’enrobage se fait vapeur et s’encanaille soniquement. L’issue est personnelle, je tarde pour ma part à m’en imprégner mais il arrive qu’au détour des climats de l’Anglaise, je me laisse attraper.
La seconde salve, intitulée It Brings Me Back To You, voit les machines grincer, gentiment. On pourrait à mon sens, sur l’ep en question, dévier plus franchement. Il n’empêche, Gooch parvient à enfanter des atmosphères à part, dont l’alliance avec sa voix, quand elles s’emballent, peut déboucher sur des textures attractives. C’est donc dans ces temps de déviance, d’audace, qu’on la suivra plus volontiers. Chained to a woman, au mitan de Rain’s Break, imprime sa rêverie et la communique. Dans un tumulte retenu, celle-ci s’appuie sur ses penchants songeurs pour capter l’attention, faire voyager les sens. Et ça fonctionne, en l’occurrence, plutôt bien.
On le voit donc, ou plutôt on l’entend: Lucy Gooch, presque dream-pop, voire shoegaze quand le voile de ses efforts bruisse, tisse sa propre toile. 6AM, en émergeant lentement, fait son effet. Sur son second volet, il prend du coffre. On n’a plus qu’à se laisser porter, par le sillon sonore comme par ces vocaux de sirène qui pourraient rappeler Cocteau Twins dans ses atours les plus dreamy, époque Heaven or Las Vegas. Ecouté fort, l’ep à le pouvoir de capturer, de faire ressortir sa patine « foggy » et les doux excès liés à ses « keyboards ». Ash and Orange, dans une langueur que j’aurais aimé plus dissonante, s’en vient finir le job.
Le résultat est racé, encore un peu trop sage pour mes esgourdes mais suffisamment beau et impactant pour qu’on fasse l’effort de s’y plonger. C’est déjà beaucoup et finalement, ça vaut le coup. Connaissant Fire Records et sa largeur stylistique, on se doute de toute façon que l’audition attentionnée réveillera des sensations. On valide donc, pour l’identité des compositions révélées, le Rain’s Break EP d’une dame visiblement affairée, avec bonheur donc, à la construction d’un univers bien à elle, dégagé de toute influence extérieure pesante ou par trop envahissante.