Sidéré par son premier album, qui remonte déjà à 2010, puis par un live au Grand Mix de Tourcoing, en mars 2011, avec Cercueil et Glasser), c’est avec impatience que j’attendais la nouvelle galette d’Anika, anglaise exilée à Berlin, également passée par BEAK> et Exploded View. Un Change où Annika Henderson exprime, souvent avec vigueur, un entrelac de ressentis, au bout desquels l’optimisme se fait jour. Un Change merveilleux, agité, inspiré, ombrageux, groovy à souhait dès le vivace Finger pies qui lance les « hostilités ». On y trouve un trip-hop remuant, aux basses obsédantes, truffé de sons trippy, qui de suite nous contraint à un trip extrêmement prenant. Anika est visiblement en forme, si l’attente fut longue on ne doute aucunement de sa capacité à nous combler par ses climats bien à elle, nourris par ses expériences sous d’autres étendards. Chez Invada, de toute manière, on n’a pas pour coutume de faire dans l’insignifiant. Alors Critical, alerte et saccadé, acide et mordant, mais aussi racé, jazzy, difficile à définir mais en tous les cas accompli, ne fait pas un pli: Change s’annonce, à son écoute, comme un disque « compagnon ».
Au troisième rang le titre éponyme, plus tempéré, dépose ses battements syncopés. Le chant, à nouveau, se met en évidence. Autour des sons délicieux, inattendus, imaginatifs, tombent en une lente pluie. On baisse en rythme, mais on perdure en qualité. Avec la dame issue de Bristol, sur qui l’Allemagne influe évidemment de manière porteuse, on n’en attendait pas moins. On est servi, rassasié même. Naysayer, en renouant avec une cadence percutante, des sonorités déroutantes et astucieuses, amène l’extase à se prolonger. Anika s’endiable, zèbre ses compositions, lance des éclairs et ponctue son retour avec une maestria qui en ralliera plus d’un(e) à sa cause. Inutile d’ergoter, il est bien évident que son Change mérite tous les égards. A qui pouvait se montrer dubitatif, le spatial Sand witches apporte une réponse sans appel. Narré, nuageux, il complète avantageusement la palette déployée par Anika.
Photo Sven Gutjahr.
Dans ses traces Never coming back, détendu, assure une suite persuasive. Ca fait du bien, moralement, soniquement, de retrouver celle qui, aidée ici par Mr Martin Thulin d’Exploded View, venu du Mexique pour co-produire l’album et jouer basses et batteries, pose une balise significative. Rights, en réitérant ses motifs, ondulant jusqu’à rafler la mise sans qu’on puisse lui opposer un tant soit peu de résistance. Au fur et à mesure il s’enhardit, monte en pression, grince et serpente, dépayse et au bout du compte, entérine ce Change sans trop de politesse. Freedom, bien nommé, emportant le parterre de convaincus dans un espace brumeux, éthéré, qui agit sur le mental. Il est bon, il est peut-être même nécessaire, vital, de s’abandonner à l’errance musicale d’Anika.
On s’y oublie, on y trouve cure et bien-être et ce, sans jamais concéder à la norme ou au rangé. Le terme débute doucement, dans un ton à dominante folk, puis prend de l’ampleur, se faisant plus rageur. Magnifique. On aime Anika, on aime son Change qui pourrait (nous) aider à changer. Cette femme qui se sent, de ses propres termes, « une étrangère dans les deux pays, n’appartement à aucun des deux », tire assurément le meilleur de ses différents lieux de résidence -Bristol pour le trip-hop prenant, Berlin pour le côté plus « gris »-, au point d’en produire un amalgame inouï, dont on espère que sa suite ne prendra pas un temps fou à se profiler. Change, bien entendu, attise la ferveur et sacre une Anika magnétique, dépositaire d’un registre que sa nouvelle fournée homologue brillamment.