Deuxième album culte d’un Mudhoney emblématique, Every Good Boy Deserves Fudge bénéficie d’une ressortie remasterisée par Bob Weston au Chicago Mastering Service, initiée par Sub Pop, à l’occasion de ses 30 ans. Ca ne se rate pas, d’autant que l’objet inclut un deuxième volet où l’on trouve, non sans un vif plaisir, une flopée d’inédits ainsi que les 5 chansons issues de la session Music Source. Vingt-neuf titres au total, pour un régal total qui nous replonge dans nos 90’s adulées et remet au goût au jour, bien qu’il soit encore en activité et diablement performant, le clan de Mark Arm. Le plus tenant, en l’occurrence, en une diversité de tons fort appréciable, à dominante grunge bien entendu mais sans s’y cantonner bêtement. C’est Generation Genocide, climatiquement explosif, qui tire le voile et marie bruit, psychédélisme et nappage d’orgue pour un résultat trop court mais marquant. Let It Slide, grungy à souhait, lui succédant sur des rails dirty, sans fioritures, à la mode Mudhoney. Alors que Good enough, aussi rugueux que cristallin, ouvre la porte un peu plus grand encore. La formation de Seattle se montre large et prolifique, Something So Clear et ses syncopes braillées en attestent. Thorn, joué pied au plancher, doté d’une envolée guitaristique sobre et débraillée, honorant lui le versant le plus spontané de Mudhoney.
On comprend aisément, à l’écoute, l’impact du disque. Into The Drink riffe dru et cru, le son est vrai à souhait. La basse amène du groove, Broken Hands porte ensuite des effluves bluesy au gré d’un rythme lourd, d’une trame massive. Who You Drivin’ Now?, à la batterie folle, aux guitares tranchantes, fuzzy-blues, et dans ses pas Move Out, plus saccadé, assurent à leur tour l’excellente tenue de l’album. Shoot the moon bastonne, direct. La folie de la clique exalte ses efforts, n’entrave en rien sa créativité et son désir de ne pas rester englué dans des eaux grunge exclusives. Fuzz Gun ’91, en instrumental versatile d’un point de vue cadence, ou ce Pokin’ Around presque pop dans son étayage, doté si je ne m’abuse d’un harmonica, tiennent largement le cap avant que Don’t Fade IV, pavé bourru, et pour terminer Check-Out Time, nuancé, aérien, ne valident d’une part la variété du tout et d’autre part sa qualité de tous les instants. C’est passé très vite, mais on a devant soi des démos et versions diverses qui, forcément, vont accroitre le plaisir lié à la réédition de l’objet.
C’est d’abord March to fuzz (remastered), vrillé, qui frappe. Mudhoney, pour le coup, ne se fout -toujours- pas de la gueule du monde. Ounce of Deception (Remastered) non plus, grunge et franc du collier. Il en sera ainsi dix-sept titres durant, dans une énergie communicative aux atours bien pensés. Paperback Life (alternate version) (Remastered) valide le côté tubesque des morceaux, dont aucun n’est à survoler. De manière récurrente, les guitares se livrent à des solos aussi brefs que notables. Fuzzbuster (Remastered) flirte avec le surf, il twiste grave et renvoie à la déjante d’un Cramps. Bushpusher Man (Remastered) est lui dans un format reconnaissable, exploité avec maestria par ces mythiques fauteurs de trouble soniques. Les pépites se suivent, Flowers for Industry (Remastered) pèse de tout son poids rythmique, éructe et écrase l’auditeur. Thorn (1st attempt) (Remastered) file et percute, Overblown (Remastered) fait de même, son drumming se jugule à peine. Mudhoney, fort d’une telle enfilade de chansons, peut à nouveau planter son étendard sur la planète du grunge sans restriction. March From Fuzz (Remastered) prouve que remastérisées, ses compositions trouvent une nouvelle vie crédible et adaptée.
On pourrait, ainsi, s’arrêter à chaque morceau offert. On se contentera de relever, sur une fin où rien n’est encore à dédaigner, une poignée de démos à la dégaine séduisante, lesquelles s’achèvent avec un Generation Genocide (24-track demo) (Remastered) entre finesse et propension à s’encanailler. You’re gone, avant cela, aura allié rage vocale et efficience d’une instrumentation que Mudhoney n’a jamais laissée se déliter. Il la malaxe, certes, la triture, la fait dérouiller, dissonner, lui impose des couleurs liées à des courants pluriels. Mais il n’en perd jamais le fil: il en maîtrise au contraire, de bout en bout, chaque note jouée et direction empruntée. Génialement primitif, Mudhoney se rappelle ici au bon souvenir de ceux qui, à ses débuts déjà, le suivaient à la trace ou plutôt à la giclée fuzz. En couplant, à ce Every good boy deserves fudge-30th Anniversary Deluxe Edition de haute volée, des rondelles studios récentes elles aussi irréprochables, il va sans dire que le groupe dame le pion, sans forcer, à tout prétendant actuel venu de la même caste musicale.