Mr Diagonal (aka Dan Barbenel) est passé par moults projets dont le trait commun est d’être décalés et collaboratifs. Né à Dundee (capitale mondiale de la confiture) en 1970, il a aussi transité par divers jobs, bourlingué sévère (il fut aperçu, en tant que résident, à Glasgow, Bruxelles et Los Angeles), et peaufiné son oeuvre avec North Pacific, cinquième album d’une pop aventureuse, élégante, tarabiscotée et ne rechignant pas à prendre la tangente (le très Tom Waits, de haute volée, d’un ton jazzy vif et déviant, 21st Century Cats). La saga démarre joliment, au son de ce Bannerghatta pop-folk ciselé avec goût et chanté avec prestance. Serendipity House prend ensuite la main, velouté, en piano-voix distingué que des sons imaginatifs décorent.
On est, pour l’heure, dans une certaine quiétude. Indian Ocean dépayse quelque peu, nous maintient dans un halo sécure, apaisé, à nouveau bien mis et racé dans sa vêture. Mr Diagonal soigne ses arrangements, transcende la pop, l’emmène à l’envi sur des terres nées de sa fertilité de musicien rodé. J’allais écrire ridé mais sa musique, dans un vent de nouveauté, balaie nos faces et en relifte les traits. Hyoryu No Tegami (lettre flottante), sobre, complète le tableau sans faillir ni l’entacher. Avant cela Red lighthouse, d’un fond jazz joliment nerveux aux ruades rock appréciables, aura fait son effet.
North Pacific n’est pas un disque prévisible, c’est entre autres atouts de poids ce qui en fait la spécificité. Encore une bouteille à la mer fait péter son groove presque 80’s, délié, malheureusement trop court. Mr Diagonal ne trace pas que des droites, il crée là un disque à géométrie variable. What do you do with a manioc, d’un cachet rétro, le démontre dans l’éclat mais en s’entourant, brièvement, de sons plus obscurs et triturés. Il y a dans ce North Pacific, de bout en bout, une adresse dans la mise en climat, le recours à des sonorités accrocheuses, qui rend l’opus attachant…surtout lorsque, comme ici, il se met à « bifurquer ». La voix y mue, change de ton, d’intonation. A little island far away, maritime, produit l’effet des embruns de la côte. Dans le même temps, il offre une finesse infinie. Voilà du bon, du tout bon même, aux entournures pas si posées qu’il n’y parait.
Plus loin Maybe I’ll build a boat -on est, décidément, dans le domaine de la mer et tant mieux, ça sied à notre homme- conte une histoire folk aux cordes majestueuses. Le titre éponyme le relaie, léger, un tantinet obscurci. On remarque, là aussi, la beauté du décor. Jamais pris en défaut, Barbenel façonne son disque avec le talent d’un vétéran. Sa voix s’emporte, s’exalte. 1000 sunsets, dans un climat de cabaret, lui permet de finir sur une note tout aussi enthousiasmante qu’au début de son effort. Distinction chantée, agilité dans l’ornement, singularité du registre font que de A à Z, on s’amourache d’un album, qui en plus de sa valeur conséquente, incite fortement à aller gratouiller la discographie de Mr Diagonal, avec la perspective d’y trouver bon nombre de trésors sonores à la hauteur de celui décrit en ces lignes.