Rendez-vous immanquable, gratuit, ponctué par des affiches superbes nous garantissant des découvertes ébouriffantes, les Scènes d’Eté de Beauvais ont comme bien d’autres évènements repris leurs droits en ce mois de juillet. Ce fut par conséquent un plaisir, que dis-je, une émotion décuplée par les circonstances, que de prendre la route vers la cité isarienne pour la troisième des quatre dates prévues. Arrivés très en avance, nous primes d’abord du bon temps en terrasse, dans un troquet local, avant de rejoindre l’espace culturel Buzanval et son magnifique théâtre de plein air. Le bon Pedro, mon intermédiaire si je puis dire, nous accueille avec la gentillesse qu’on lui connait. Je récupère le sésame, à savoir le pass photo qui me permettra de figer ce retour tant attendu. A peine installé, je constate qu’à ma droite se trouvent deux amis amienois ayant migré vers Beauvais. Plaisir des retrouvailles, félicitations de ma part, à leur encontre, pour avoir fait le choix de venir aux Scènes d’Eté. Quelques souvenirs -de lives évidement, de boulot aussi- ressurgissent le temps que NiJinski, combo du cru, ne vienne ouvrir le bal. C’est l’heure, ça fait battre le coeur parce que p*****, quitte à me répéter, revenir ici ça mouille les yeux. Que ce soit en ce lieu, dans cet espace de la rue de Gesvres, à l’Ouvre-Boite ou encore au Blues autour du Zinc, Beauvais à beaucoup à donner.
NiJinski
Alors NiJinski, si ce n’est pas tout à fait ma tasse de thé -il manque à ce trio, à mon sens, la dynamique d’un batteur, des élans enflammés aussi-, j’apprécie. Honnête, affublé d’un EP enregistré avec Peter Deimel -au studio Black Box donc, ce n’est pas rien-, le clan fait valoir un mix de blues, de chanson et d’électro, joliment illustré par un I dream of you…fin et touchant. D’atmosphères feutrées en narrations imagées, en usant le plus souvent du Français, NiJinski étale ses dispositions. Fruit de la rencontre du musicien Jérôme Jasmin et du comédien-écrivain Patrice Juiff, qu’épaule Fabrice Leroy à la contrebasse, le projet s’attelle visiblement à l’élaboration d’un univers bien à lui. Si l’entreprise demeure perfectible, le potentiel existe et le live de ce soir aura mis en exergue des milieux travaillés, de nature à asseoir la personnalité de NiJinski. On est ainsi entré dans le vif du sujet, dans l’attente de la tornade Tankus the Henge. L’attente est courte, on se croise alors entre faiseurs d’images et alors que j’échange avec l’un d’entre eux, les créateurs de l’excellent Luna Park! amorcent leur set.
Tankus the Henge
Fichtre! D’emblée, on se fait catapulter par le son déjà très individuel du sextette anglais. Un peu comme si Blur, qu’on entend parfois sur le plan vocal, s’entichait de funk, de jazz à la New Orleans et d’élans qui pulsent sévèrement, passés au filtre rock tout en louchant vers les Blockheads. Le frontman, Jaz Delorean, affiche tout à la fois charisme, théâtralité et implication totale, au service d’une présence ébouriffante. A côté de lui, ou plutôt à l’unisson, se tient un parterre de musiciens aux tissus sonores magiques. Giclées de cuivres, assauts des guitares, rythmique serpentant assurent un suite de titres renversants. Appareil en main, face à ce type de show, tu galopes partout. Si dans la fosse tu es, alors la danse t’emporte bien vite. Elles sont belles, ces Isariennes, quand elles ondulent au son de ce Tankus the Henge impressionnant. Et enchanteur, tout autant, pour leurs voisins masculins d’un soir. D’un Worries distingué, façon Tom Waits, à ce god, oil, money aux cuivres addictifs et au chant très « Dury« , en passant par un merveilleux Fayaway qui envoie tout valser, la fiesta est à son comble. Généreux, le British donne tout. Il ne s’économise pas: pour pouvoir jouer ce soir, il a bravé une véritable jungle administrative. C’est dire s’il en veut. « Fuck Brexit! », lance Jaz entre deux morceaux. On le comprend sans forcer…
Tankus the Henge.
« Faites du bruit », clame t-il à intervalles réguliers. L’appel déclenche les vivas, aucunement volés. Le public, conquis, acquis, se masse devant la scène. Elégance jazzy sulfureuse, mordant rock sans complaisance, groove funk irrésistible (Sundance Kid, magistral) portent le concert au rang de ceux qui comptent, qu’on ne pourra chasser de sa mémoire car dans celle-ci, il aura laissé des traces indélébiles. Tankus the Henge conjugue morceaux imparables, sens du spectacle et énergie doublée d’une inspiration récurrente (Luna park, endiablé, ska et alerte, rock et griffu). Le leader sur son piano se perche, la fumée le drape. Personne n’en rate une miette, après Scamps et The Swinging Dice la semaine précédente les Scènes d’Eté et leur infaillible équipe nous offrent une autre soirée qui fera date. Tankus peut saluer, resaluer, s’incliner devant l’assistance. On lui doit une venue époustouflante, à l’image d’ailleurs de tout concert organisé par les Scènes d’Eté; à savoir décalé, surprenant, et hautement jubilatoire. La route du retour, après ça, pèse le poids d’une plume. On se félicité d’en avoir été, revigoré par la prestance de ces joyeux drilles à l’esprit contestataire porté par des compositions remarquables.
Tankus the Henge.
Photos Will Dum. Plus de photos ici…