Le Gospel est un projet d’édition indépendant fondé à Bordeaux, à l’été 2018, par Adrien Durand. Journaliste, auteur et communicant, il pose un regard subjectif sur le monde à travers la musique et son histoire plus ou moins cachée. Le Gospel abrite une dizaine de zines, des articles en ligne et maintenant deux livres, réalisés dans un esprit totalement Do It Yourself. JE SUIS UN LOSER BABY, EN FINIR (OU PAS) AVEC LES ANNÉES 90, recueil de textes inédits écrits par l’inlassable bordelais, fait se succéder 17 écrits courts où se télescopent interrogations -sur soi, sur l’existence-, histoires de vie et désillusions, regard sur soi -le soi, ici, est un peu roi-, sur l’autre, entêtement à réussir, fiction crédible et réalité incroyable. S’y ajoute, très présent et sans cesse questionné, le sens que l’on tente de vouer aux artistes, à leurs oeuvres, à leurs attitudes, jusqu’à en faire des repères, des jalons censés « driver » notre quotidien. Une trâlée d’expériences de toutes sortes, jonchée d’ennui, de guerre(s) contre ce dernier, ponctuées par le son bien sûr! Le rock, souvent. Indé, obscur. Un compagnon. Mais aussi l’art, par extension, et le cinéma. Ce cinéma que Durand se plait à nous faire, au gré de sa quête de vérité. Arrête ton cinéma, Adrien! On risquerait d’y prendre goût, si ce n’est déjà le cas…
115 pages, 8 euros seulement et damned, on le lit d’une traite le bazar! Sans doute s’y retrouve t-on, ça et là, au détour des histoires que Durand relate. Sûrement sommes-nous, au regard des artistes impliqués dans l’ouvrage (Cat Power et Fugazi, Kurt Cobain et Bret Easton Ellis, Paul Schrader et Evan Dando, Dinosaur Jr. et Swans, Vincent Gallo et Courtney Love, du jazz éthiopien et les poubelles du Chelsea Hotel, des clochards et des héritiers, des chanteurs de néo métal et des cannibales, des rats et des boxeurs), happés par ce « mémoire », en ce sens qu’il en appelle aux souvenirs de son géniteur, au sein duquel marasme et bonheur sans bornes voisinent. Durand est un loser, magnifique. A son mot on s’attache, comme à nos icones avouées ou enfouies, plébiscitées, parfois, avant d’être reniées. Son bouquin qui tient dans la poche, dont on l’extraira dans les moments d’errance mentale, de doute ou de recherche du vrai, est un véritable condensé de nos ressentis.
Je l’ai pour ma part englouti, à la lumière tardive de ma lampe de chevet. Je l’ai reposé, aussi, quand soudain je me perdais, me demandant où l’auteur voulait en venir. Puis je l’ai ressaisi, il n’était de toute façon jamais éloigné. L’écrit est une ressource, il semblerait qu’ Adrien Durand l’ait parfaitement compris, et appliqué, en couchant sur ce petit pavé moults tranches de vie souvent passionnantes. Tantôt vraies, tantôt remaniées, on s’y égare d’ailleurs avec délices, celles-ci giclent en tous cas d’une plume très en verve et conjuguent une multitude de ressentis en parfaite esquisse de nos nuits et jours et des états d’âme qui en résultent, le Beck dans l’eau ou la tête dans les étoiles.