Projet issu de l’Isle of Man, Mark E Moon s’est formé à l’automne 2018, à l’initiative de Mark Sayle et Phil Reynolds. Old blood est le deuxième album, déjà, des deux hommes. Il fait suite à Refer (novembre 2019), et dessert un son gothique entiché de teintes électro-pop. Je situe de manière approximative, l’écoute sera plus parlante que mes vains mots. Vocalement, on est dans des tons à la Eldritch et The Eye (The Picture Fades), pour faire péter la danse dark, marie le sombre du gothique avec des nappes plus enjouées, redevables à l’électro voire à la new-wave. De suite, la recette parait bonne. Qualifié de « Sisters of Mercy meets The Pet Shop Boys », ce qui parfois se vérifie, Mark E Moon séduit, d’emblée, obscurément. Animals, cold et groovy, s’appuie sur des sons spatiaux pour asseoir son impact. Le chant est rudement goth, des basses bien en vue viennent charpenter le tout. Ca me plait tout ça, à moi l’amateur d’univers à la lumière (très) tamisée. I, Robot m’offre une cold-wave sautillante, sans complexité car ici, on se contente de faire le nécessaire. Une fois le cible touchée, on ne s’embarrasse plus de fioritures.
Todo va bene, comme dirait l’Italien. Salvation amène un tempo plus bridé, une approche plus claire, si on peut dire, et mélodieuse. Les insulaires, à leur aise, brodent des canevas synthétiques de bon aloi. Ils lui greffent des parties organiques, aucune des deux option ne prend vraiment le pas et ça sert l’intérêt d’un album souvent élevé, sans « vautrage » aucun. Le tout est très honnête, The Failing lui apporte mélodie puis rudesse, au gré d’un déroulé au carrefour des penchants. L’éponyme Old blood, après ça, impose ses syncopes, son groove goth et ce chant, comme de coutume, noir avant toute chose, d’un velours très underground. On n’a aucune peine, à l’écoute de l’album, à lui accorder notre crédit. Human, plus directement électro-pop, dégrossit un peu ses atours ténébreux. De ce fait, on évite un rendu linéaire qui aurait pu discréditer la paire.
Quelques notes plus loin Event Horizon, dans une tendance assez similaire, fait d’abord la nique à New Order en termes de pop synthétique, froide et mélodique. Le chant, il va de soi, diffère toutefois sensiblement de celui d’un Sumner. Mark E Moon, même dans ses plages « pop », conserve ses vocaux au minimum gris, qui peuvent cependant s’assouplir à l’occasion. Le constat est en tout cas clair: Old Blood dégage assez d’identité, de morceaux probants, pour gagner sa place dans les foyers. Il ne chamboule rien, mais assure un boulot solide. Goodbye, rythmiquement cinglant, ne l’écorne pas. A sa force de frappe, il alloue des boucles légères. Les vocaux, à nouveau, nous embarquent vers un Floodland. On ne trouve rien à redire, l’esprit critique n’aura là que bien peu de matière à exploiter.
En toute fin de parcours Obliviana, lent et dénudé, laisse la tension retomber. Il se fait atmosphérique, entre nuit et aube, complétant le panel avec panache. Cold Transmission Music, label peu avare en sons cold de qualité, peut se vanter d’abriter un projet qui, en plus d’un côté prolifique, affiche sa propension à trousser des disques cohérents, d’une certaine fiabilité. Mark E Moon aborde de plus, ici, des thèmes attractifs (l’engagement personnel dans la lutte contre le fascisme, les relations toxiques, l’amour et la religion) qui ajoutent logiquement à l’impact de ses morceaux, qu’on auditionne par conséquent sans déplaisir aucun.