Teeth a raté sa vie, à c’qu’y parait. Il regroupe apparemment et si j’ai bien compris une poignée de gens indé du bordelais, rassemblés sous la bannière Flippin’ Freaks. C’est dire si le projet est « raté », il se titre en Français et pourtant on s’y casse les dents, la faute à six morceaux dignes de la structure qui héberge les joyeux drilles; réussis, lo-fi, bruyants, bien vite accrochés à nos manches. C’est le titre éponyme, J’ai raté ma vie donc, qui dresse un constat d’échec, soulève des questions cruciales et balourde des effluves à la Pixies qu’on s’empresse d’accueillir. Teeth ne foire pas son amorce, qu’il valide à l’aide d’un Soft Lover mélodique et sautillant.
On les connait ceux-là, ceux du 33; sous couvert de faire les cons, ils alignent les perles indie. Par paquet de dix parfois, par boite de six ici. La foudre noisy vient, régulièrement, fissurer leurs belles mélopées. Le chant féminin est sucré, charmant. Il y a là de quoi succomber, on le sait d’ailleurs déjà car d’une part Hugo Carmouze fait partie du clan et d’autre part, c’est Alexis Deux-Seize qui a produit l’ensemble. Slug Song, vrombissant, largue une troisième bullet entre finesse et écorchures, sentie avec autant de flair que le reste. Les chants de complètent, les guitares amènent de la tension et la rythmique ne fait que peu de détours. Impeccable.
La chanson, de plus, investit un format longue durée au regard des autres compositions. Sa fin se fait psyché-noisy, on y entend un peu Sonic Youth pour ces sons polissons et ce rythme qui, pour le coup, oscille entre tenu et débridé. Les voix, de leur côté, évoquent les Breeders. A l’encontre de Teeth, on ne citera de toute façon que des sources élevées. Maxine, flemmard comme un Pavement en moins slacker, souffle ensuite une pop plutôt polie, ambiancée, aérienne. Elle se cuivre, joliment, se salit et parait sur le point d’exploser. Non non non non, on reste dans la quiétude pop animée. J’ai raté ma vie ne flanche pas, Ca Se Mélange Pas crache un rock lo-fi bouillonnant complètement jouissif. Il breake, reste « dirty », et se saccade comme un titre du Surfing on a t-bone de Welcome to Julian.
Sacrebleu!, il est bon ce skeud! Pas une rature, si ce n’est celles qui consistent en des dérapages soniques bienvenus. Allez, faut quand bien en finir. In My Dreams, sur six minutes en spoken-word finaud, se distingue verbalement. Sur son second volet, il monte en puissance. Ses cadences changent, ses voix se poppisent et la trame se lo-fi-ise (prononcez « lofaillize »). On dirait, dans le son, A Subtle Plague. J’ai raté ma vie, mais pas mon LP. Flippin’ Freaks cartonne une fois de plus, fait évidemment la part belle à la débrouillardise, à l’entraide qui fait de lui un collectif de choix, et révèle avec Teeth un nouveau combo détenteur de chansons de haute volée.