Quarante-cinq ans de carrière, vingt-trois albums au compteur. Du live par brouettées, intense et authentique. Une régularité -dans l’attitude, dans la qualité- qui placent le havrais bien au dessus de la mêlée, où se débattent encore ceux qui tentent d’approcher sa vérité. On ne présente plus Little Bob, légende rock de nos horizons, qui sort avec We need hope un disque au sein duquel douleur, moments de recueil, rock wild et révolte contre une société véreuse voisinent et, assemblés, font qu’on en a pour son blé. Qu’il vaut bien mieux claquer pour un Little Bob, qui vous le rendra au centuple, que pour la flopée de soi-disant artistes intègres qui polluent la sphère rock et la tirent vers le bas. Je blablate, le titre éponyme m’arrache à mes palabres et pose un rock joufflu, offensif, pour une entrée en matière pour le moins persuasive. Du rock, tous riffs dehors. Sûrement pas la pire des manières, en période de crise, de beugler nos besoins. We need hope, we need Little Bob. We also Need I was a kid, seconde pièce taillée dans un blues-rock percutant. Hommage au rock’n’roll, à la saine folie qu’il suscite, des plus crédible. L’espoir revient, ravivé par la flamme d’un grand homme sur qui l’âge semble n’avoir aucune prise. Ready to fly, rock mais teinté de blues et de notes jazzy sorties du piano de Nicolas Noël, ou de l’harmonica de Mickey Blow, le démontre.
En termes de dextérité, le gaillard est une référence. Epaulé par un gang solide, sien depuis longtemps, il aligne les lingots, façon Blues Bastards, et rafle le magot. S’il pose le jeu, ça se produit d’ailleurs sur Long legs où l’émotion n’est pas feinte, on le suit avec autant d’allant. On renoue vite, après, avec un rock galopant. Looking for Guy-Georges. Décor d’orgue, jus rock’n’roll à tous les étages. Ca fait le plus grand bien, on peut ensuite reprendre Bella ciao de manière saccadée, entre soufre et distinction. La classe selon Little Bob, plongé tout entier, sur le morceau suivant, dans une peine inendiguable. You can’t come back, pour sa Mimie trop vite partie à l’instar d’une autre icone de nos contrées: Dominic Sonic, qui sur nos joues fait couler des Cold tears profondément attristées. Le sieur Piazza, dans le ressenti, ne triche jamais. De l’épreuve, il parvient à enfanter des plages superbes aux airs d’éléments de résilience. Il bello della vita, chanté en Italien, suinte ensuite ce blues-rock ardent et stylé qu’on lui connait.
We need hope, we found it and will keep it. Walls and barbed wires, précédé, dans le livret du disque, par de bien beaux clichés du Bob et de sa fidèle troupe, l’entretient sur la base d’un rock retenu mais de caractère, racé. Il dégage le terrain pour Made for me, déchirante complainte de l’amoureux privé de ce qu’il avait de plus précieux. Comme dit plus haut les émois, sur We need hope comme à l’occasion de toute oeuvre antérieure, sont sans fard. On attaque alors un final constitué de reprises; Natural born boogie, de Humble pie, crache un rock dans l’esprit, de force et d’éclat. Ca twiste, c’est musicalement au summum. Little Bob, sur ses « covers », fait montre d’une goût affirmé. Where have all the good times gone, des Kinks, souffle de son côté une pop toute en élégance. We need hope, dans sa vêture en noir, rouge et blanc, trouve un écrin seyant. A la hauteur de notre serviteur, il lâche une ultime salve nommée Freedom, de Richie Havens.
Little Bob y clame, comme sur une bonne partie de son album, son désir de liberté. Le morceau se bride, on le sent toutefois prêt à rugir. Dans une sorte de colère rentrée, We need hope se termine superbement. Formidable outil de résistance, d’insoumission à toute forme d’épreuve ou d’entrave à l’humain, il présente un Roberto Piazza intact dans son inspiration, capable, à 76 ans, de nous servir un plein plateau de chansons solides comme le roc, d’une diversité (j’évite volontairement le terme « variété ») qui les porte aux cimes dès les premières écoutes, suivies bien entendu d’une série d’autres auditions à volume aussi poussé. Superbe disque.