Après Nuit noire (2014), désormais armé d’un nouvel album logiquement bien accueilli, le songwriter parisien répond aux questions de Will Dum…
1) Tu as commencé à peaufiner ton identité au début des années 2010, aujourd’hui tu en arrives à ton deuxième album, éponyme. Quel regard portes-tu sur cette dizaine d’années d’expérience(s) ? Penses-tu, depuis tes premiers pas, être parvenu à une approche entièrement personnelle ?
J’y vois une évolution constante, une recherche dont je ne pense pas encore avoir vu le bout. Je vois aussi que malgré les années qui ont passée la musique est plus présente que jamais, c’est une constante et ça me rassure. Parfois, elle s’est éloignée mais je l’ai toujours rattrapée au vol. C’est une nécessité, c’est aussi devenu ma vie. Je pense qu’on est quelque part embarqué par le chemin que l’on a décidé de suivre un jour. Avant la musique, c’était l’écriture dont j’étais mordu et le moment où j’ai commencé à mélanger les deux a été très enthousiasmant. J’ai trouvé dans le fait d’écrire des chansons un compromis parfait entre ces deux passions.
Quant à l’approche personnelle que j’ai pu y apporter, si je l’ai fait, ça n’a pas été un effort ou une intention calculée de ma part. J’essayais et j’essaye encore d’écrire ma meilleure chanson.
2) On te compare souvent à Taxi Girl, est-ce pour toi une influence avouée ? Dans quelle mouvance tes sources musicales ou littéraires, s’il en existe, se situent t-elles ?
Taxi Girl a été un grand coup de cœur musical, il y a quelques années, quand j’étais en train d’enregistrer mon premier album. J’écoutais beaucoup de punk, cold, synth pop française aussi et il est vrai que cette scène m’a beaucoup inspiré à ce moment-là. Cela dit, je m’en suis éloigné ces dernières années. Ça doit quelque part faire partie de l’ADN de ma musique, comme le rock psychédélique, la new wave, la pop indé des années 90, la variété française, espagnole, anglaise, américaine… Je suis un boulimique de musique et je dirais que ça s’est clairement accentué avec l’arrivée des plateformes de streaming.
D’une manière ou d’une autre, tout ça est digéré dans les chansons que j’écris. En ce qui concerne la littérature, ça a été toute ma vie pendant plusieurs années, j’ai été étudiant en lettres modernes… Mais elle n’a plus la place centrale qu’elle avait pu avoir pour moi. Ça a été supplanté, d’une certaine façon, par la musique. Je garde la poésie comme lecture régulière, surtout des anthologies.
3) Comment est né ton nouveau disque, avec qui as-tu oeuvré pour ses besoins ? Comment vois-tu ce deuxième « long play » que beaucoup considèrent comme l’album « de la confirmation » ou encore « de la maturité » ?
J’ai commencé à travailler avec Gaël Etienne en 2015. Notre rencontre a véritablement été un coup de foudre musical. C’était un luxe de pouvoir travailler avec quelqu’un comme lui. Nous n’avions pas de contraintes de temps: cela a permis de pousser les compos jusqu’au bout, de faire des aller-retour et même de se perdre parfois. Pour cet album, nous avons gardé le meilleur de cette collaboration qui a duré plusieurs années. C’est un peu notre best of !
J’ai aussi fait quelques sessions avec Frédéric Lo. Il en est sorti la chanson “Si tu veux” que l’on a composée ensemble. J’ai aussi travaillé avec Antoine Rault, avec qui j’ai composé la chanson “Je t’adore” qu’il a merveilleusement bien arrangée. Je ne sais pas si on peut parler d’album de la maturité mais ce qui est sûr c’est que j’en suis extrêmement fier. J’en parle souvent comme si c’était mon doctorat es musique (rires).
4) Il y a dans ta pop, aussi proprette qu’acidulée, aussi cold que lumineuse, une forme de romantisme teinté d’amertume. C’est, tout au moins, ce que j’y entends en poussant l’écoute. Tes compositions sont-elles un exutoire, un moyen d’évacuer des sentiments difficiles à « ingérer » ?
Ça doit être ma passion pour les auteurs romantiques comme Musset ou Gustavo Adolfo Bécquer. J’entrevois l’écriture comme une façon de graver ces sentiments exacerbés que l’on peut avoir parfois. Ils sont fugitifs, alors il faut vite les écrire pour ne pas les oublier. C’est ce jeu entre l’émotion et l’écriture qui m’intéresse donc, oui, on peut dire que c’est une forme d’exutoire qui doit parfois être forcé. Ça ne vient pas toujours tout seul. Je peux peaufiner des textes pendant des mois ou alors en quelques minutes. C’est quelque chose d’assez mystérieux…
5) Tu optes pour le Français dans le chant, quel est son apport à ton registre ? Il est appréciable, à l’heure où d’aucuns pensent que la pop-rock se marie plus facilement avec l’Anglais, de constater que ta recette fonctionne et légitime le recours à notre langue…
A vrai dire, je ne me suis jamais vraiment posé de questions à ce sujet. J’ai commencé à écrire des textes en espagnol car j’habitais en Espagne et c’était ma langue de tous les jours à ce moment-là. Je suis revenu en France en 2004 et j’ai fait mes études ici. Le français ayant supplanté l’espagnol, je me suis mis à écrire dans cette langue. J’écoute beaucoup de musique anglaise mais je ne pense pas que je pourrais écrire des textes en anglais un jour. Pour être sincère dans ses chansons, je pense qu’il faut commencer par chanter dans sa langue quotidienne. C’est comme ça que je vois les choses en tout cas.
6) Sur ta page Facebook tu manifestes un grand bonheur à l’évocation de ton nouvel album. Tu prétends même « avoir encore du mal à le croire ». Est-ce si ardu, par les temps qui courent, de concevoir un disque ? Tu remercies par ailleurs chaleureusement l’équipe mobilisée pour sa sortie, je suppose que tu accordes une importance particulière au côté collectif d’une parution discographique ?
Je ne pense pas que ce soit toujours ardu de faire un album, même si ça reste un travail considérable. Ce deuxième album, du fait d’être le second, et également du fait que je sois un artiste solo, a été un questionnement permanent. Je voulais que ma musique évolue, mais encore fallait-il trouver dans quel sens. Ça a mis du temps, mais le jeu en vaut la chandelle. C’est aussi plus compliqué lorsque l’on est son propre producteur. Il faut jongler avec un budget restreint tout en essayant que le disque sorte dans les meilleures conditions.
Et puis il y a eu la pandémie qui a retardé sa sortie! Bref… C’était une belle aventure dont je suis très fier! Une aventure que j’ai partagée avec des amis formidables qui ont cru en ces chansons et sans qui les choses auraient été bien plus compliquées. C’est pourquoi je tenais à les remercier le jour de la sortie de l’album.
7) Qu’as-tu prévu pour défendre ta nouvelle galette ? Comment appréhendes-tu l’idée de renouer avec le live ? A l’heure de répondre à cette interview tu auras d’ailleurs joué à Tourcoing, à l’espace Architecture et Materiaux Authentiques. Comment as-tu vécu cette date ?
Je ferai tout ce qu’il faut pour défendre cet album. J’espère qu’il y aura un maximum de concerts. Je peux me produire seul, en petite formule acoustique ou bien en full band selon les opportunités. Je ne refuse jamais une occasion de jouer ces chansons. Le concert à Tourcoing s’est très bien passé ! Pour l’occasion, j’avais mis en place une formule acoustique avec Gaël Etienne à l’orgue, Antoine Rault à la guitare romantique et je chantais en m’accompagnant d’une guitare classique. C’était très intimiste, dans une ancienne briqueterie du début du XXe siècle, très belle. J’aime beaucoup jouer dans des villes que je ne connais pas, devant des gens qui ne me connaissent pas forcément. C’est quelque chose qui m’avait beaucoup manqué.
8) Te projettes-tu déjà sur un troisième album, as-tu d’ores et déjà des idées en tête? Ou as-tu, à l’inverse, toute l’attention focalisée sur la promotion de « Marc Desse » ?
J’ai toute mon attention focalisée sur ce disque, mais il est vrai que je commence à entrevoir le prochain. J’ai des débuts de chansons et une idée générale qui commence à germer dans ma tête même si j’en suis encore loin. Je vais prendre ma guitare cet été. J’espère revenir avec quelques chansons dans mes bagages !
Photos Ella Hermë.