Italien, Oslo Tapes signe avec ce ØR son troisième album, d’un genre qu’on ne définit qu’avec peine et qui, ici, parvient à captiver par son alternance entre planerie et moments de « secousses ». A base de voix songeuses (Kosmik Feels), de climats hypnotiques, Space is the place to be, comme l’annonce le titre d’ouverture, pour le quatuor « avant-rock ». L’entrée en matière, cosmique, allie synthés, lignes de basse hypnotiques, guitares psyché et batterie tout terrain. Il en ressort, magnétique, une ambiance à part, quelque peu futuriste, en tout cas délibérément personnelle. Bribes kraut, pointes psychédéliques, voix éparses et brumeuses, à la manière du shoegaze ou encore de la dream-pop, s’emboitent jusqu’à choper nos sens.
C’est pour moi une trouvaille, semble t-il. Je fais toutefois erreur: vérification faite Oslo Tapes (un cuore in pasto a pesci con teste di cane), sorti en 2013, avait déjà fait l’objet d’un article estampillé Muzzart. Mais revenons à nos moutons, à ce Kosmik feels cité plus haut. Une pastille psychotrope, rêveuse, au lent déploiement dont l’arrière-plan se trouble. Une réussite supplémentaire, avant les riffs stoner d’un Bodø Dakar lui aussi barré, céleste et syncopé, en chute libre dans la stratosphère.
Ca gronde, ça se fait vaporeux, ça se saccade. A dominante shoegaze « hybride », rythmée à l’issue de son début, ladite création emmène ØR…vers les cieux, vers les sommets de l’élaboration sonore. L’opus est une expérience, on imagine aisément ce que le live pourrait donner, à quel point il transcenderait un répertoire déjà hautement agissant. Bodø Dakar se décline en outre sur plus de sept minutes, poussant de ce fait ses positives conséquences sur l’auditeur. Cosmonaut, ensuite, fait valoir son intitulé. Jusqu’à son mitan, il se répète obsessionnellement et soudain, s’anime tout en restant spatial. Le voyage vaut le détour, le chant, à nouveau « flouté », revient par ailleurs border l’ouvrage. Dans la minute qui suit Norwegian Dream, pas moins perché, prend de l’ampleur, de l’épaisseur, au fur et à mesure de sa progression. ØR n’a pas d’équivalent, sa singularité ne peut être mise en cause. On s’en entiche vite, en dépit d’un effort d’assimilation consenti, quoiqu’il en soit, sans rechigner.
Les vagues shoegaze souillées d’ Exotic Dreams, en fin de trip ou presque, se rapprochent du My Bloody Valentine le plus trouble qui soit. Il devient impossible, dès lors, d’endiguer l’effet d’ Oslo Tapes. ce dernier, avec Obsession is the Mother of All, enfonce le clou en nous offrant une ultime virée marquante, alerte et fougueuse, que ponctuent une dernière fois ces chants comme fantomatiques. Le tout est magnifique, prenant de bout en bout, et ne peut être stylistiquement rapproché de toute autre parution récente. La jam passionnante d’ Oslo Tapes, sortie d’une imagination fertile, d’entre les étoiles, fait mouche et engendre des sensations indélébiles, psychiquement perturbantes, qui font du ØR évoqué ici une pièce maitresse et un album entièrement immersif.