A l’heure où parait son nouveau single clippé, « La saison des Pluies », en prélude à un nouvel opus prévu pour l’hiver 2021, Chasseur répond aux questions de Will Dum….
1) Tu as déjà derrière toi, quand naît Chasseur, un parcours fourni. Peux-tu nous en toucher un mot ?
J’ai débuté la musique vers la fin des années 80. Après plusieurs expériences en groupe, j’ai accompagné sur disque et en tournée des artistes comme Miossec, Dominic Sonic, Laetitia Shériff. En parallèle, et depuis environ 2005, je travaille avec des compagnies de théâtre et de danse, en tant que créateur sonore. Plus récemment, en 2017, j’ai créé le groupe Tchewsky & Wood avec la comédienne Marina Keltchewsky.
2) Où en es-tu, d’ailleurs, de ces différents travaux ?
Avec Tchewsky & Wood, nous avons profité du premier confinement pour travailler à distance sur notre deuxième album. Ce dernier verra le jour en 2022. Sinon avec la compagnie Théâtre de Chambre, près de Maubeuge, nous préparons un spectacle qui sera présenté cet été dans le cadre du festival Les Nuits Secrètes.
3) Pourquoi, en dépit de cette route déjà conséquente, avoir fondé Chasseur ? Tu y évolues en solo, Chasseur répond t-il avant toute chose à un souhait d’opérer hors de tout apport extérieur, au gré de tes seules idées personnelles ?
J’ai très souvent accompagné les autres dans leurs projets. Après toutes ces années, j’ai souhaité expérimenter des choses pour moi, en utilisant ma voix et un ordinateur. Si pour la musique il n’y a pas d’apport extérieur, car je suis le seul maitre à bord, ce n’est en revanche pas le cas pour l’écriture puisque j’ai collaboré avec l’écrivaine Nathalie Burel qui a signé une partie des textes.
4) Tu as d’ores et déjà sorti un EP et un album, quelle valeur ont-ils à tes yeux ? Comment ont-ils été reçus par le public et les médias ?
Le EP « Dans la ville », sorti en 2017, m’a permis de poser en quelque sorte les bases de CHASSEUR. Ensuite, un premier album était en travail quand j’ai perdu mon père en mars 2018. J’ai alors décidé de faire un disque à sa mémoire. Ses cendres reposent aujourd’hui au pied d’un arbre, un « Crimson King ». C’est par conséquent un disque très personnel, qui m’est évidemment très cher, et qui a été bien reçu par plusieurs médias, comme Télérama, Tsugi, France Inter… et aussi Muzart, je vous en remercie d’ailleurs!!
5) Ne ressent-on pas une fierté accrue, en solo, quand sort un support ? Ici c’est toi qui crée tout, ou presque…
C’est une grosse satisfaction, oui. Pour sortir mes projets, j’ai créé un label. C’est passionnant, mais très prenant aussi ; ce n’est pas toujours évident de trouver du « temps de cerveau disponible » pour créer, composer. Mais je peux décider de sortir mes disques quand je veux. Et ça, l’indépendance, ça n’a pas de prix.
6) Tu viens de sortir un nouveau single, La saison des pluies, illustré par un joli clip. Qu’annonce t-il, un nouvel opus je présume ? Si oui, comment celui-ci a t-il été conçu ?
Après le 1er album, j’ai pris un peu de recul avant de trouver ce sur quoi j’allais travailler. Depuis l’été dernier, j’ai l’honneur d’être le parrain d’un jeune garçon né à Kinshasa. Il est arrivé en France avec sa soeur il y a cinq ans, après une attente interminable pour ses parents adoptifs. Dans le premier morceau « La saison des pluies », j’aborde cette idée de l’éloignement et de la difficulté à vivre à distance, loin de ceux qu’on aime. Plus globalement, sa vie (passée et à venir) constitue la principale source d’inspiration de ce nouvel album prévu fin 2021.
7) Que véhicule, chez toi, un clip ? T’appuies-tu sur une esthétique, une approche particulière pour toucher ou interpeller l’auditeur ?
L’esthétique est très importante. Par exemple, pour la chanson « Comme il vient » du premier album, je souhaitais quelque chose de doux et délicat. Par l’intermédiaire d’une amie, j’ai découvert le formidable travail de la dessinatrice Marion Auvin. Je l’ai alors contactée. Aujourd’hui, je suis toujours autant touché par ce clip d’animation.
Et puis souvent, des amitiés ou des rencontres, naissent des clips. Le tout dernier clip (« La Saison des pluies ») a été réalisé par Xavier Champagnac. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques mois. Xavier m’a demandé une musique pour le générique de son dernier documentaire. J’aime dans son travail la sobriété, la justesse ; c’est honnête et sans fioriture. Tout ce que j’essaie de retrouver dans les clips.
8) A l’écoute de tes supports j’entends, tout à la fois, Daho et Lescop, de la cold-wave, une sorte de psychédélisme brumeux, des mots de choix, un certain désenchantement aussi. C’est pourtant Chasseur, au final, qu’on entend. Penses-tu qu’on puisse se déparer, définitivement, des influences engendrées tant par ses écoutes personnelles que par les projets menés jusqu’ alors ?
!! J’ai tenté une réponse en imaginant qu’il s’agissait du mot « séparer » (ou « défaire »), et non « déparer ».
Les influences cold-wave des années 80, elles sont là, et je les assume sans difficulté. J’écoute encore aujourd’hui bien volontiers Joy Division, The Sound ou Wire par exemple. Ces musiques font partie de ma culture. En revanche, pour ma musique, j’essaie toujours de me demander si sur le résultat final je suis parvenu à apporter une touche personnelle. C’est important pour moi.
Ce serait prétentieux de ma part de penser qu’on puisse encore aujourd’hui créer quelque chose de complètement nouveau. Les ingrédients sont connus de tous, et tout le monde fait des mélanges. Mais je m’efforce malgré tout à assembler ces matériaux d’une manière la plus singulière possible, sans chercher à reproduire ou à refaire.
Photos Anne Gontier.