Après ses Balades de la Lune, pour une reprise du live en formule boisée et verdoyante, musicalement posée, la Lune des Pirates investissait ce vendredi un lIeu local tout aussi ressourçant, où la scène a d’ores et déjà ses droits; l’ Ile aux Fruits…ilôt de liberté situé rue de Verdun, dans notre bonne ville d’Amiens. Y étaient conviés les locaux de Last Night We Killed Pineapple, d’ores et déjà reconnus par la foule locale, et l’un des fleurons du label Howlin’ Banana: Hoorsees, auteur de son côté d’un excellent album éponyme en février dernier. Le temps d’un houblon, posté autour de tables en chair d’arbre, on (re)prend dans un premier temps ses marques, visuelles et relationnelles, en se laissant submerger par une émotion qu’il est difficile, à l’heure où les espaces scéniques réouvrent tranquillement leurs portes, de ne pas laisser paraitre.
On aperçoit, avec joie, des visages connus. D’autres, nouveaux, animés par la félicité. Parce que renouer avec le rock, au son de telles formations, en un endroit qui nous est précieux et familier, ça fait son effet. J’aperçois Mario, batteur-chanteur (si si) des Last Night We Killed Pineapple, qui m’annonce de manière apparemment détendue que son clan est amené à jouer « là maintenant ». Fichtre! Ca y est….je prends congé du sympathique petit couple posé face à moi, direction un petit rondin proche de la scène auprès duquel le responsable de « l’ ILOF » viendra poser ensuite, avec bienveillance, un parasol destiné à me protéger des frimas picards. L’équipe de la « Lune », à ma droite, est rassemblée. Merci à eux, on ne peut décrire les sensations éprouvées quand les premières notes résonnent.
Les trois gaillards de « Last Night », soit Mario donc, son frangin Pierre et Charles, le gratteux aux parties tueuses, en ont sous le coude. Entre cold-wave minimale, ambiances rêveuses, coups de boutoir et finesse d’instants qui flirtent avec la dream-pop, le registre n’est plus seulement solide; il s’étend, gagne en consistance, s’émaille de nouveaux titres eux aussi bien campés. On note, entre autres et au passage, un Looking for cold sur lequel guitares bavardes et basse rondelette, chant délié et climat alerte raflent la mise, à l’image de toute façon de toute composition troussée et exécutée par les trois comparses. L’univers de la clique, appuyée par Dom’ au son, se forge et valide ses contours qu’en fidèles de ses prestations, on approuve chaleureusement. Quelle meilleure idée, au moment de retrouver la scène, que d’inviter ces gars du cru? Comme des grands, c’est d’ailleurs comme tels qu’ ici on les considère, ceux-ci alignent les perles sans jamais faire dans le linéaire. Un regard autour de moi confirme, instantanément, mon ressenti: we all love them! Sourires et trémoussements, pour certains même fredonnements, surlignent l’éclat des morceaux joués. Je n’en suis guère étonné: Last Night We Killed Pineapple met du coeur à l’ouvrage, fait preuve de cohérence dans ce qu’il met en place et nous régale, à intervalles réguliers, de chansons imparables. Certaines castagnent, d’autres en appellent à la mélodie, lorsqu’on mêle les deux la réussite est toujours de mise.
C’est du tout bon, c’est même un peu plus, que les amienois nous livrent là. On les attend désormais sur un format EP, au minimum. On continuera à se masser bien évidemment, en assistance attentive et acquise à leur cause, devant les scènes qu’ils seront appelés à fouler. Ce soir c’est Hoorsees qui leur emboite le pas et ça, c’est loin de n’être rien. Le quatuor hébergé par le label de Maisons Alfort met peu de temps à se régler; l’attente est brève, on s’en réjouit et quand résonnent les accords de début, la pop 90’s des parisiens, teintée de shoegaze, gagne illico les coeurs. Et les corps, qui se lancent dans la danse. Ouaté comme il peut, à d’autres endroits, appuyer sur le champignon rock, voire noisy, le son du groupe est en phase directe avec une ère où la guitare tenait les rênes. Ses mélodies sont limpides, ses choeurs doucereux, son allant décisif. Les morceaux de valeur sont légion, la caste indé trouve en ce combo l’un de ses plus fiables représentants. Qu’il s’agisse du splendide Overdry, aux ritournelles charmeuses, aux tons à la The Pains of Being Pure at Heart, ou de tout autre titre extrait notamment de ce disque à la pochette rose, où flemmarde un chien, on ne peut résister à la séduction qu’exerce Hoorsees. Je pose l’appareil, un court moment. J’ai les yeux mouillés, en « bonhomme » doté d’un palpitant je n’oserai prétendre que c’est la pluie qui induit cette émotion.
A côté de moi, et quand bien même « Les concerts assis, ça ne tient pas debout », ce qu’elle tend à démontrer, l’assemblée traduit son bonheur, lui donne forme dans les mouvements d’une danse fédératrice. Qu’ils sont beaux ces gens, quand ils se livrent et s’abandonnent à leur intense satisfaction. Que c’est beau, émouvant et revigorant, de les voir se dérider. Je ne peux endiguer l’envie, irrépressible, de figer par l’image leurs élans, sincères et sans entraves ou presque si ce n’est le nécessaire soin de son prochain. « Ohlalala, ohlalala, ohlalala, c’est magnifiiiiQUE! », comme le chantait Arno chez TC Matic. Give it up, frais comme une brise au mitan de l’été, polisson et exaltant, accroit avec nombre d’autres morceaux l’impact d’une soirée d’enchantement, initiée, donc, par la Lune des Pirates et l’Ile aux Fruits où décidément, les concerts ont trouvé un lieu d’accueil qui met tout le monde d’accord. Tout comme la mythique Lune dont la légitimité, depuis belle lurette, ne se discute plus. A l’issue on reprend la route le coeur léger et en joie, les yeux pétillants de contentement. On se prépare aussi à aller le lendemain, pas loin de là, honorer le Festival de l’Etrancher d’un petit détour. Ceci au cours d’un week-end marquant à plus d’un titre, sans jeu de mots, valorisé en ce vendredi pluvieux par deux formations aux qualités intactes.
Photos Will Dum. Plus de photos ici….
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