Déjà scribouillé ici pour son remarquable Point Fingers (janvier 2020), The Guru Guru et son gourou incontrôlé Tom Adriaenssens quitte la crise, de son côté, avec un disque où apparaissent un EP et une partie live, chacun incluant quatre titres. It’s a (Doggy Dog) World & Live in Antwerp, l’objet ainsi conçu, bénéficie de l’apport du bassiste Brent Mijnendonckx, qui y intègre des enregistrements du son des machines de l’usine dans laquelle il travaille. Ca génère, en toute logique, une touche indus bien assimilée qui fait évoluer les giclées indé du clan, pour le coup et à nouveau cinglantes mais aussi mélodiques, de nature à porter l’opus vers les cimes. Where’s My Rum (Isn’t It Anywhere), le premier morceau, présente ainsi une facette renouvelée, lancinante, groovy, qui n’est pas sans rappeler les formations de l’ère late 70’s. La voix y mue, entre obscure sérénité et cris nourris.
Photo Eva Vlonk.
Un première réussite, indéniable, que seconde Who Died (& Made You King of Anything) et son amorce électro-indus suivie par des soubresauts convulsifs que la rythmique fait serpenter. Les mecs ont le chic, comme leurs compatriotes d’ It It Anita, pour ficeler du tube indie, fervent, aux airs avenants que ses coups de sang percutent sans vergogne. (In) Snakes & Ladders (Stakes Don’t Matter) étoffe la face A de manière appuyée et jubilatoire, on comprend alors que The Guru Guru n’est pas revenu pour essorer la salade. Dans ses belles ritournelles, il place des attaques colériques et invente des sons qu’on tamponne direct. Honestly (I Don’t Feel Like Dancing), noise et alerte, met fin à la partie studio en se montrant tout aussi imparable que le reste. Le groove, une fois de plus, ferait danser un plâtré.
Arrivent à ce moment, pour étendre le seuil du plaisir auditif, quatre bourre-pif scéniques tirés de Point Fingers. Une face B de qualité supérieure elle aussi, lancée par Origamiwise (Live at WAO, Trix, Antwerp) et son début finaud. Secoué, comme à l’habitude, par des ruades qui bûcheronnent et font du boucan. Reconnu pour ça, pour son dosage maison entre pointes offensives et jolies mélodies, le quintette signe après ça un Chramer (Live at WAO, Trix, Antwerp) aux spirales entêtantes façon Marvin « from Montpellier ». Ca pulse, ça breake quasi funky, la direction empruntée est aussi variable que peut l’être le panel parcouru par les musiciens. Mache (Live at WAO, Trix, Antwerp, où tout a été joué) ajoute son grain de sel, plutôt…salé, d’ailleurs, et posté avec aplomb entre airs catchy et énergie juteuse. Rock, pop, post-punk et idées sonores judicieuses s’entrechoquent, au bout du compte le style est celui d’une seule et même entité: The Guru Guru. On aime, ça va sans dire, au delà du raisonnable.
L’assistance est bienheureuse de retrouver le gang en forme optimale, fort d’une sortie que pour ma part, je n’avais pas vue s’annoncer. La surprise n’en est que meilleure encore, Poverbrigade (Live at WAO, Trix, Antwerp, si si) l’achève en éclaboussant le parterre. Il dérape, groove comme c’est pas permis. La basse y sert des lignes folles, louvoyantes. Les guitares griffent et laissent des traces de sang, les tambours sont en capacité d’investir n’importe quel terrain de jeu. Le « singer », évidemment, impose sa schizophrénie chantée et ponctue magistralement un terme débridé, percutant. It’s a (Doggy Dog) World & Live in Antwerp nous laisse pantois et satisfaits, comblés même. Qu’il est bon, en ces temps de sorties intempestives, de renouer avec de tels groupes, de tels efforts, qu’on espère désormais voir se traduire sur les planches de nos contrées trop longtemps privées.