Lightman Jarvis Ecstatic Band, c’est Yves Jarvis et Romy Lightman. Le premier a sorti chez ANTI-Records et Flemish Eye de nombreux albums qui lui ont valu une large reconnaissance, la seconde évolue chez Tasseomancy, mené par sa soeur jumelle. Cet opus commun marque la toute première collaboration entre les deux êtres, il les extrait de leurs bases habituelles et s’en va lorgner vers des contrées expérimentales, psychédéliques et déroutantes, qui donnent une saveur toute particulière à ce Banned qui ne le sera pas chez nous. Quinze titres durant, ceux-ci s’en tenant souvent à des durés écourtées, on navigue allègrement sur des eaux aux ornements à la feutrine trompeuse. Olamim, pour débuter, joue une folk brumeuse et de caractère. Ancient Chain lui succède dans le même esprit, se parant de sons inédits parfois acidulés. Et originaux, on connait de toute façon le talent de ces deux-là pour nous concocter des suites déviantes et singulières. De fait, il devient difficile de classifier le rendu, que l’écoute validera dans son ensemble. Il captive, en appelle à moults courants, tient finalement et avant toute chose à l’excellence de la paire impliquée dans sa conception. Recurring Theme lie les voix, impose un tapage vaporeux. Red Champa fait de même: il lâche, lui, des sons grandement dépaysants.
L’auditoire va de trouvaille en trouvaille, à chaque titre son attention est captée par la texture du morceau offert. Certains répètent leurs thèmes, ce faisant ils affirment l’emprise de Banned, peu commun comme sur ce Trilium éthéré aux motifs groovy. Plus loin, Nymphea sert une folk à nouveau hybride, aérienne, sertie de sonorités inhabituelles. Les voix s’y retrouvent, la trame s’insinue paresseusement mais de façon certaine dans l’esprit du chanceux qui aura le plaisir de glisser Banned dans son lecteur. Des incrustes bluesy trouvent place, belles et triturées. Chez ANTI- on aime à surprendre, le catalogue s’aventure sans hésiter à des formats audacieux. C’est ici le cas et ce, pour notre plus grand plaisir sensoriel et auditif. Bone of a hound se fait alerte, il groove et se danse: sa basse suscite des déhanchements, par ailleurs il ne se classe pas plus que le reste. Ca fait le charme, et l’identité, d’un album servi par l’expérience aiguisée des deux « belligérants ». Ein sof, perché, céleste, semble tituber. A l’arrivée, il extasie et plait grandement, hypnotique, comme bricolé mais imparablement attrayant.
L’improvisation, chez Lightman Jarvis Ecstatic Band, n’a que du bon. C’est, semble t-il, le procédé le plus adapté. Lift my heart m’évoque Hendrix dans ses salves psyché enfumées, psych-blues et presque hésitantes. Elastic Band est lui plus clairement rock…du moins en son début car dans la foulée, il sombre dans l’étrange passionnant. A l’instar du reste, il puise dans plusieurs courants pour créer un genre: le sien. Becoming, de ses sons spatiaux ambient, accentue l’effet psychotrope de l’opus. Ce dernier demandera, exigera même, que l’on pousse l’écoute pour s’en imprégner complètement. L’effort vaut d’être consenti, pour peu qu’on apprécie d’être déraciné on trouvera sur Banned notre dose de jouissance sonique. Slick oil, qui inclut des voix off, flirte avec le jazz. Il le balafre, lui fait quitter ses tons de base, l’affuble de touches folk et de syncopes rythmiques.
Banned, comme constaté plus haut, n’est pas prévisible. Ca accroit, sensiblement, son pouvoir d’attraction. Stomach pit le voit étirer, pour une fois, son format. Sa bizarreté, ses élans convulsifs, ses sons en vagues débouchent sur une forme de gospel que derechef, on n’attendait pas forcément à cet endroit. Pour le coup, et à tous les coups à vrai dire, la liberté de ton engendre un final ensorcelant. En toute fin de trip Tomb of the patriarchs, de son blues à l’errance productive, entérine définitivement une sortie décalée, premier jet sacrément envoûtant de ce couple artistique dont l’esprit l’assied aux cimes de la création et de « l’étude » sonore, matérialisées par un Banned hypnotique, « ecstatic » et novateur de A à Z.