Epris de The Cure depuis l’adolescence, Marc Collin a tenu à rendre hommage au groupe de Robert Smith en le parant, pour ce recueil, d’une vêture orchestrale acoustique au cachet rétro certain, concoctée par ses soins. Clavecin, marimba, strings, instruments ethniques etc s’ajustent à des percussions orchestrales types Timpani, à de la caisse claire et pour le chant est conviée la chanteuse et comédienne américaine Chrystabell, qui nacre le tout de son timbre mélancolique. La relecture est totale, treize morceaux trouvent ici place et de manière progressive, on s’entiche de ces versions surprenantes, dénudées, sobres et inspirées. Three imaginary boys, lunaire, lève le voile et présente un univers où trip-hop et feutrine sonore à la Collin, « cordée », s’adossent à la voix ici sur le fil, délicate, de Chrystabell.
Passé l’effet de surprise -plusieurs écoutes peuvent y être nécessaires, on peut même pour certains ne pas adhérer car les chansons d’origine perdent ici de leur énergie, gagnant toutefois en « poignance-, on plonge et Seventeen seconds, plus enlevé, rafle la mise. On y retrouve, façon Collin, l’ombrage de The Cure paré d’une nouvelle sève. A forest, ensuite, demande lui aussi à être ingurgité. Il pulse bien moins, privé de sa basse magique. Mais on note, pour le coup et à chaque essai, la valeur de l’étayage. Qui, à force d’ imposer sa patine, finit par lui-même s’imposer.
Ethéré, rêveur et doté, de temps à autre, d’un tumulte retenu, Strange as Angels a le pouvoir de captiver. Durablement je n’ose le prétendre, toujours est-il qu’après assimilation, il dévoile un certain charme. The drowning man est aérien, ténu. Suit Charlotte sometimes, amputé de sa ferveur allégorique de départ. Qu’à cela ne tienne: une fois de plus, l’adresse du duo, sa symbiose sans surcharge, permet de singulariser le rendu. Et d’en proposer, de manière audible, une suite cohérente, dont les tons ne se dispersent pas. One hundred years en atteste d’ailleurs; en phase avec l’ensemble, il reste noir dans ses contours mais sans son rythme percutant et ses guitares lancinantes. C’est toute une nouvelle approche, pour le coup, qu’il faut dépasser mais le jeu, assurément, en vaut la chandelle. Les percus mettent de la vie, au final la torpeur des morceaux contribue à ce qu’ils impactent positivement tout auditeur persévérant. The walk prend le relais, dansant ou plutôt valsant, jazzy et exotique.
Photo Julien Mignot.
Plus loin Dressing up, où le theremine s’envole, confirme la sobriété des créations. Destabilisé -j’attendais, en bon fan, une salve de reprises débridées-, j’adhère néanmoins à, et j’admets, la dextérité de la paire impliquée et la marque de son étoffe. Just like heaven est pur, touchant. Il s’anime, sans déborder mais de belle manière. A night like this, plus agité, groove en mode, presque, électro-pop. J’aurais aimé, ici, plus d’envolées de ce type. Ca n’entrave que peu ou prou, néanmoins, la tenue de ce qu’élaborent les deux acolytes. Lullaby, prenant, convulse et insuffle, dans le même temps, énergie et magie vocale. Il semblerait qu’au fil des écoutes le disque, insidieux, produise son effet. Friday I’m in love, splendide, valide mon impression. Il m’amène, d’abord à la lisière du récalcitrant, à prendre la mesure du travail fourni, de l’attraction qu’il peut au bout du compte exercer et qui, lentement, me gagne.
C’est au son de Lost, crépusculaire, que l’hommage prend fin. Une fois de plus l’ondulation des percussions, discrètes mais insistantes, fait vivre la composition. A côté l’ornement, gris et voluptueux, souligne les vocaux de Chrystabell. C’est de la belle ouvrage, il importe de le reconnaitre, que ce Strange as Angels à part, que l’expérience et l’agilité de la tête pensante de Nouvelle Vague font reluire et affublent de jolis pourtours. Ceux-ci s’avérant, de surcroît, de plus en plus addictifs au gré des écoutes qu’on leur accorde, en dévoilant finalement l’indéniable richesse.