A l’oeuvre depuis 2008 -en termes de sorties discographiques-, le Powerdove saisissant d’ Annie Lewandowski (voix, sampler, synthétiseurs, mini-amplificateurs et Thomas Bonvalet (interrupteurs, tambourins sur mini amplis, « noise gate », métronomes mécanique et numérique, Banjo basse six cordes, guitare électrique, peau de tambour, diapasons, minuteur mécanique, microphones, Klaxon à poire, cloche d’appel…) aime à surprendre, à façonner une entité personnelle qui, souvent, allie beauté et trouble, sérénité et dérangement. Ceci avec adresse et selon, de manière récurrente, une approche bien à lui. Avec Machination, le nouvel opus des deux comparses, on ne déroge surtout pas à la règle et c’est tant mieux car c’est ce qu’ils font de mieux.
Inspiré, ça le démarque sensiblement, d’un périple vécu par Annie en mer Egée, durant six semaines où rafales et coups de vent vinrent troubler la magnificence du décor, l’album sonne un peu comme la bande-son, ornée par le sieur Bonvalet, de l’aventure en question. Il recueille huit titres au calme trompeur, débute d’ailleurs au gré d’une composition éponyme assombrie. Le chant fait merveille, songeur, un brin obscur à l’instar du décor sonore. On est déjà pris, sans lui tourner le dos, par une atmosphère dont le fond menace, monte doucement en pression mais n’implose pas. Tout ça dans une beauté confondante, cousue main(s), à la Powerdove.
Attiré, on poursuit l’audition avec Frost Broken Willow. Dépaysant, « folkorchestral », jonché de bruits qui s’incrustent. D’une qualité et d’une singularité, encore, qui élèvent constamment le débat. Red stain tâtonne, trébuche bruyamment. Le chant y fait sensation, c’est de toute façon une constante et sa symbiose, son contrepoint avec les embardées entendues ne se discute pas. De recoins obscurs en traits de lumière, Machination se fraie un chemin vers l’excellence. Il est racé, pétri de savoir-faire. Il angoisse, éveille les sens, les brusque parfois comme il peut, lorsqu’il reste posé, inciter à l’apaisement. Celui-ci ne dure jamais très longtemps, percuté par des sons dont Bonvalet a le secret (Someone else). Immersif, Machination offre tout juste huit titres. C’est peu mais c’est, plus encore, beaucoup car le rendu, significatif, ne relâche jamais l’étreinte. Elégamment hostile, amical aussi, avenant et inquiétant, il renvoie une grande classe.
Bells and glass, passé sa moitié, place des ruades soudaines. « Dark », déroutant, il nous ferait, presque, perdre le fil. Presque car Machination, sans discontinuer, nous prend au piège. Celui d’une univers tout en contrastes, ajustés, faits d’éléments disparates et complémentaires. Coursing River les met en son, il brille d’un « terne éclat » et impose l’adhésion, à l’image de tout titre ici joué. Somme de personnes, somme d’ingrédients sonores, Machination expérimente avec assurance, servi par un duo qui, s’il est rodé et aguerri, n’en fait pas moins et de manière régulière dans la déviance et l’inattendu. Comme dit plus haut, ça le place en marge. C’est là, très certainement, qu’il donne sa pleine mesure. On le suivra donc, bien volontiers, dans ses sinuosités. Public Oblivion, avant-dernière pièce de la paire, nous y replonge d’ailleurs. Avec délectation, on reprend le trip.
Bercé, et assailli, par des sons à part, on en vient alors à Menace or Breath. Fin de l’épopée, suivant un déroulé lent et venteux comme une journée d’automne. Ou comme une virée en mer, de celles qui provoquent à la fois remous et splendeur, félicité et vague à l’âme. Un choc des ressentis, merveilleusement troublant, initié par un album magique et personnel, consolidé par l’approche imaginative de Powerdove qui perpétue ici, avec maestria, ses nombreuses idées cruciales et concluantes. Le tout chez Murailles Music, où le groupe trouve sa juste place et colle parfaitement à l’esprit affiché.