SheWolf c’est trois filles (Alice-chant et guitare/Marie-Claude-batterie et Fanny-basse, choeurs) engagées, férues de sciences humaines, féministes, dont les textes dépeignent l’humain suivant une série de compositions qu’on pourrait placer entre L7 et Veruca Salt, pour situer approximativement. Parasite, le second album des dames, fait suite à « Sorry, not sorry » (février 2018), lui-même précédé par un EP. Depuis, les concerts, festivals et ouvertures de choix se sont multipliés. SheWolf s’y est fait les crocs, c’est ce qui lui permet aujourd’hui de mordre à pleines dents dans un grunge dirty, constamment élevé par un opus solidissime.
Nichées à la campagne, les trois comparses ont de quoi en troubler la tranquillité; The escape, lent et lourd comme un pavé de Donita Sparks et consorts, fait déjà saigner les écoutilles. Avec classe. Avec, aussi, une forme de délicatesse dans son décor. Laquelle se voit suivie, bien vite, d’une autre décharge pesante et bien sentie. Le niveau est élevé: on croit entendre, ou presque, le Nirvana de Bleach. Be happy be productive suit, riffs ronds et progression « pachydermique » l’animent. Il hausse le rythme, crie sans détour. Sacrebleu!, voilà un bon élixir! Le chant se fait plus sensuel, on se poste entre mélodies et bruit nourri: ça passe sans forcer, dans le plus grand naturel.
Monster, massif, use d’un refrain qu’on retient. Entre autres atouts de poids. SheWolf aligne, sans trembler, les titres en capacité d’aller chatouiller la concurrence. Voire mieux. Efficient, enragé et inspiré, il se présente sous les meilleurs auspices. Si le deuxième long-jet est censé être celui de la confirmation, alors celui-ci entérine brillamment les qualités du clan. Pages, sur un ton « retombé » à la Hole, suit une voie pop…avant de s’épaissir. Louise Post et Nina Gordon, de leur côté, usaient sur leur American Thighs (1994) du même procédé. On retient donc la capacité de SheWolf à se hisser au même niveau d’attraction, à générer un attrait comparable. C’est quelque chose, on n’en disconviendra pas. La route se poursuit sans dommages, dans la sérénité due à la valeur du groupe et de ses sorties. Le morceau s’achève dans le bruit, les soubresauts et la mélopée soignée, pour consolider Parasite.
Photo Céline Salin.
Plus loin, Catherine épure le propos. Posé, il m’évoque Liz Phair mais ne peut s’empêcher, et ça lui va bien, d’alterner voix calme et temps criés. C’est un peu, au final, l’accalmie du disque. De façon temporaire toutefois, connaissant les penchants de SheWolf à attiser son brasier. Pause féminin(e) impose le Français, oppose mauvaises vertus -prétendues- des Dames et qualités -en nombre- de ces dernières. Rythme retenu mais insistant, qualificatifs empilés, ça suffit à en faire une oeuvre digne d’intérêt, de nature à éveiller la réflexion. A sa suite le titre éponyme, guerrier et puissant, égale l’excellence et l’intensité d’un Bricks are heavy. SheWolf impressionne, il est sale et sensitif, aussi. Il n’inclut que du costaud, se nuance et s’emporte dans un équilibre bien wild.
Il y a du Nirvana, aussi, quand l’album s’éraille. Je me répète, la faute à l’enthousiasme. On ne cite d’ailleurs, à l’écoute, que des références reconnues. Ca démontre la fiabilité de Parasite, loin d’en être un. Burnt, dans ce positionnement entre douceur et brailleries maison, se distingue autant que le reste. Ces trois-là ont toutes les qualités, et l’approche qui va bien, pour qu’on parle d’elles en termes élogieux. Leur galette est une confirmation, bluffante. Ses ritournelles, soyeuses, s’intercalent dans le boucan récurrent. Et très profitable. Parasite, tu parles! rien de tout ça. On finit aussi bien qu’on a commencé, Nothing left to say grunge une dernière fois en exhalant, également, des notes subtiles et des choeurs à la guimauve. En neuf titres qui ne peuvent que le créditer, le trio ajoute à son tableau de chasse un ouvrage impeccable, sauvage et féminin jusque dans ses clameurs, dans un ensemble cohérent et inattaquable.