Un 33ème album, ni plus ni moins. Un disque de haute volée, qui s’amuse à outrepasser le cadre usuellement suivi par Robert Pollard and Co. Ceci seulement 4 ou 5 mois après un Styles We Paid For lui aussi irréprochable. Voilà ce qu’offre Guided by Voices, dont la discographie fait bien plus que de plaider en sa faveur. L’opus est de plus généreux, fait mouche à chacune de ses incursions hors-cadre et Made man, s’il débute dans un rock tendu, prend soudain des airs symphoniques magnifiques pour à nouveau se raidir et mêler ses voix. Court, imparable, il est suivi d’un The Disconnected Citizen indie-folk/pop des plus aboutis, également serti de cordes. Notons que les textes, ici, retracent l’évolution du jeune Harold Admore Harold à travers le passage à l’âge adulte et son règlement de compte avec les ténèbres. Les mélodies éclatent, merveilleuses. On est en terres 90’s certes, mais GBV ne rechigne pas à explorer. The Batman Sees The Ball flirte avec le rock’n’roll, sonne comme un classique dudit genre. Ses sons de guitare, addictifs, et son énergie renforcée par des mélopées valables le font reluire sévère.
Dirty Kid School, après lui, s’amorce rock, impétueux, sec comme un coup de trique. Il breake, se saccade. Puissant, et sans appel, un brin groovy aussi…et fort de sonorités en décalage total, dépaysantes. A plus de 30 albums au compteur, le groupe évolue encore, loin de se trahir. Au contraire, il marque à nouveau des points et affiche une nouvelle jeunesse, dont Trust Them Now fait étalage avec brio. Bob Mould aimerait, voilà un rock mélodique mais juteux à souhait. Lights Out In Memphis (Egypt), de son côté, louche vers un psychédélisme orné de manière ingénieuse autant que déroutante. Il est lourd et leste, changeant dans ses climats, magistralement tourné. Il en appelle autant aux 70’s, à l’expérimental, qu’aux sphères psyché que ses coups de semonce mettent en relief.
Plus loin Free Agents, plus direct, lance une pop-rock maison, donc qualitative. On fait usage de synthés, on cuivre à l’occasion. L’écoute, comme de coutume avec le clan de Dayton, se fait sans occulter le moindre morceau. Sunshine Girl Hello fait valoir des riffs crus, un esprit rock depuis longtemps assumé. Wave Starter fait de même, sur un format bref. Ant Repellant les imite, de manière plus posée mais malgré tout tranchante. Il se pare d’un décor inédit, de chants qui s’entrelacent. Splendide. Variable dans ses atmosphères, GBV fait feu de tout son et impose sa patte, son savoir-faire jamais figé et générateur d’une palanquée de standards indé. Margaret Middle School suinte la vigueur, rock, punk dans son allant. Nul ennui dans ce disque, on passe d’un titre à l’autre sans que l’intérêt ne retombe. Comme d’habitude, ai-je envie de dire, lorsque Guided By Voices revient. Avec I Bet Hippy, l’entrée en matière se retient, se fait folk-rock épuré. Il en va ainsi sur toute la plage, puis Test Pilot voit Pollard changer de registre vocal, sur un fond rock plein de vitalité, de simplicité confinant à l’excellence.
Les durées souvent réduites, en l’occurrence, permettent un rendu sans creux. How Can A Plumb Be Perfected?, en mid-tempo finaud mais prêt à griffer, garde des atours pop soignés que des touches folk soudaines, assez « frontales », viennent percuter. On arrive alors à la fin de l’effort; un Child’s Play plutôt remonté, sans omettre les ritournelles « maison », porteur de belles parties de guitare, clôt Earth Man Blues sans faillir. En quinze titres -il est, de plus, loin d’être avare en termes de quantité-, Guided By Voices poursuit sa route vers le 40ème album, qu’on ne serait guère étonné de le voir atteindre rapidement. Longévité, valeur constante, cohérence du registre, titres de choix en nombre conséquent, attitude indé…indéniable le caractérisent. Dans l’attente, donc, de ce qui reste à venir, on écoutera avec joie et respect cette rondelle, de même que le Cub Scout Bowling Pins qui la précède et le Styles We Paid For cité plus haut.