Duo de Cologne, en Allemagne, Suir allie Denis Wanic (guitar, vocals) et Lucia Seiß (bass guitar, synthesizers, drum machine). Il en vient, avec ce Studio Session enregistré live en studio, à sa troisième sortie, censée précéder un album. Et, autant le dire de suite, de haut vol. L’objet sort chez Wave Tension Records, gage de qualité avérée, et sonne tantôt cold, tantôt post-punk, tout en renvoyant des airs mélancoliques qu’enflamment de jolies guitares. Alors que la voix, de ses tons attristés, donne du cachet à un ensemble qui sur ce plan n’était déjà pas défaillant. Le recueil, notons-le, regroupe des compositions issues des deux sorties précédentes.
C’est Intro, plus long qu’une véritable Intro, qui amorce la « fête » et, de par son climat gris, sonne un peu comme la B.O. de l’ère où le disque fut capté (août 2020). Psyché, le morceau plante une ambiance, avance en appuyant sur le frein. Il breake, s’arrête presque, mais brille en usant de motifs crépusculaires. C’est, presque, du post-rock. Mais finaud, inquiétant, sans répétition longuette et lassante. On est initi: Calamity se fait, lui, bien plus rythmé, sèchement même, de manière métronomique. Le chant de Denis, en velours froid, retentit doucement.
Le ton est plutôt cold-wave, mélodiquement hérissé. Le morceau se finit dans la noirceur, presque drone. Warsaw revient ensuite à une cadence lente, le chant reste joliment « plaintif ». On sent, on entend, les blessures, le vague à l’âme. Celui-ci est mis en son avec maestria. L’écoute est prenante, mentale et hypnotique par instants. White spheres, dans l’extension des derniers instants de Warsaw, se déroule par secousses de « drum machine ». Il est subtilement orné, la voix s’y fait plus « joyeuse », si l’on peut dire. Toujours reviennent, sertissant l’album, ces notes ténues et bien en vue. Qui, de fil en aiguille, parvient sans forcer à imposer son identité, son parti pris malaisé. Il emprisonne, propose des envolées soniques qu’on accueille sans demander notre du.
Photo Caroline Bonarde.
Gewalt, avec de nouvelles rafales de boites à rythmes, façon A hundred years de The Cure ou, par chez nous, Jessica 93, réinstaure cette froideur malade, belle aussi, sans fard. On chante, on joue, comme on est. Sans tricher. Le rendu est minimal, accompli, en phase avec le ressenti du moment. Le terme, une fois de plus, sombre dans la nuit. Den Of Thieves suit, guitares tranchantes dans sa besace. Il file, les vocaux y font à nouveau sensation. Suir, en ce qui me concerne, est une découverte, permise par Marc Frijns, du label d’Eindhoven (Pays-Bas) qui héberge le paire. Je m’en réjouis et l’en remercie, la trouvaille me comble. Elle satisfera bien du monde, dans la caste des êtres en proie à l’allégorie. Den of thieves reste alerte, ses guitares le font reluire sans éclat car le fond, de manière ouverte, est sombre.
C’est, visiblement, le meilleur procédé à user pour Suir, dont le Studio Session augure d’un disque à venir sacrément attrayant. On est de plus gratifié, pour le coup, d’un bonus-track qui en vaut nombre d’autres. Un Not Accustomed To Be Hurt (alternative version) (previously unreleased) vif, dans la « coloration » inhérente à Studio Session: cafardeuse mais enthousiasmante, cohérente jusqu’à ses derniers soupirs. Et racée, tant elle porte avec bonheur le savoir-faire des deux comparses de Suir.