Déjà évoqué ici pour son excellent Magnitizdat/Kissa Kouprine, le Varsovie basé à Grenoble récidive sur un format plus étendu: un quatrième album, nommé L’ombre et la nuit. Dix titres, souvent urgents, qui m’évoquent Versari et trempent leurs notes dans un post-punk cold et lettré, que Sur la nature du vide propulse d’emblée sur les cimes de notre estime. Sont abordés, dans le désordre mais jamais niaisement, les thèmes suivants: désaccords au sujet des étoiles et réflexions sur une disparition volontaire, diffusion clandestine revisitée, obsession pour un âge d’or fantasmé, hantises et visions nocturnes, questions autour d’Evelyn McHale, passions terminales, dance et errance dans l’ombre du poète Francis Giauque, séries noires, vertige d’un assaut final et tentatives de redonner un sens avec les armes à disposition.
Tout un programme que la paire Destal/Cathérina met en exergue en tendant son arc sur des mélodies à vif (l’introductif Sur la nature du vide, encore, et bien d’autres). On y groove dans l’intensité, on se retient parfois, on fait mouche toujours. Les deux titres chroniqués antérieurement, Magnitizdat puis Kissa Kouprine donc, viennent parfaire le trio de départ avec un aplomb inébranlable. Du solide, comme toujours et à toute heure du jour.
Dopé au Français éloquent, Varsovie démontre qu’il mériterait, au minimum égal aux références de son créneau, un succès poussé. Cas contact, contagieux, me conforte dans mes dires. Toujours sous tension, sous haute inspiration, les gars de l’Isère nous mettent la misère. Ils bastonnent dur mais n’oublient pas, à intervalles réguliers, d’inclure des mélopées. Evelyn McHale nous amène à mi-chemin en saccadant, un poil plus bridé que la plupart des compositions…mais pas moins offensif. Et distingué dans le mot. Varsovie met de la vie. Dans son disque. Dans nos vies. Ca revigore. Ca énergise. Des voix de dame, sur le morceau, trouvent leur juste place et tempèrent un flux bondissant. L’ombre et la nuit, un album qui méritait de voir le jour. Appuyé, une fois de plus, par du costaud.
Ne plus attendre. Ils ont raison, pourquoi tergiverser? Quand on a du mastoc à refiler, on le compile et on le refile. Le titre éponyme, entre tonnerre de la batterie et le reste entre finesse et impulsion, complète le tableau avec efficience. A guetter la faute, on s’épuisera. L’avancée se fait sans écueil, jalonnée par des chansons capables d’allier qualité textuelle et impact de l’instrument. La pochette, réalisée par l’artiste irlandaise Deborah Sheedy, met son grain de sel en contribuant aux sensations ressenties. Série noire, compact, les exacerbe. L’ombre et la nuit se passe de manière directe, frontale mais pensée. Sans fléchir, mais en faisant réfléchir. Oh mais c’est pas fini, Spectres et son chant féminin épisodique agit comme une vague, inendiguable.
La fin arrive, on n’a rien vu passer. C’est l’heure de L’offensive. L’ultime charge. Entre assaut et tempérance, un denier tir précis et décisif. L’affaire est pliée, rondement menée. Ca ne me surprend guère, le potentiel ne se conteste pas. Il se traduit, ici, par un opus impeccable. Puisse Varsovie, de mieux en mieux muni, récolter les lauriers qui, dans un monde et un pays normaux, devraient lui échoir en toute logique. Le tout dans un noir et blanc seyant, histoire de ne pas être pris pour des bleus que depuis belle lurette ils ne sont plus.