La dernière fois que j’ai vu, sur scène, Lisa Li-Lund, c’était à la Lune des Pirates d’Amiens, ma ville. Avec The Big Crunch Theory, en mars 2011. Magnifique, la dame aux activités cumulées dont je ne dresserai pas la liste, bien trop conséquente, avait fait forte impression. Présence, modestie et discrétion et pourtant, au delà de tout ça, une aura merveilleuse, une séduction durable. Dans le plus grand naturel. Alors la savoir de retour, en binôme pour la production, le mixage et les arrangements avec son double au masculin, Guillaume Léglise (Fictions, Vox Low)…que dire si ce n’est que ça aiguise l’impatience, comblée à ce jour par la sortie de l’étincelant Glass of blood. L’élément déclencheur en fut la rencontre avec Arthur Peschaud, du label Pan European, qui suite à une période de creux et de silence l’a aidée à remettre le pied à l’étrier.
On ne peut que l’en féliciter: Lisa, également épaulée par Turzi, Etienne Jaumet et Cosmic Neman de Zombie Zombie, Maxime Delpierre (VKNG, Limousine), Ben McConnell (batteur pour JB Dunckel, Au Revoir Simone, Beach House), Clémence Lasme (Moodoïd), Gaspar Claus, Rémi Foucard et Maxime Sokolinski (Hologram avec Clara Luciani), signe là un disque splendide, touchant, délicat mais aussi assombri, émaillé de poussées fiévreuses éparses. Les choses de la vie, le renouveau, les voyages spatio-temporels et surtout l’amour (« unilatéral », dirai-je) y sont abordés et Janet, étincelante pièce folk-indé façon The Notwist, éclairée par le chant, impose d’emblée le respect. Et l’approbation.
On retrouve, habilement disséminés, voix charmeuse, coins d’obscurité, lumière sonore et motifs de qualité première. Le tout avec un allant estimable, histoire, déjà, de débuter fort et gracieusement. Avant, avec ce Planet qui craque à la manière d’un vieux disque et suit une trame lo-fi truffé de bruits étranges, expérimentaux mais jamais trop tortueux, de confirmer sans moins briller. On cède: devant la beauté, devant les sentiers gentiment sinueux que Lisa balise. Muscle memory of missing you, sentimental, enjoué et mélodique, joue lui une pop patinée, vivace, que des guitares piquantes relèvent. Excellent. Two wheels, saccadé, planant mais animé, l’étant tout autant. On est partis, visiblement, pour une enfilade sans trébuchements. Une série magnifique, qui certes parle au coeur mais ne renvoie aucune mièvrerie .
Terminator, de notes de piano ouatées en étoffe épurée, fait scintiller le chant. Il précède Your words, our world, effort pop aérien qu’une fois de plus, des sons imaginatifs, certains bien bruts, décorent. Le savoir-faire est évident, on en vient alors à la moitié de Glass of Blood avec l’envie de remplir, derechef, le godet. Dry love, sur une narration barrée, spatiale, offre un interlude, si je puis dire, digne d’attention. Il y a chez Lisa Li-Lund, immanquablement, des climats et une foule de détails qui contribuent à la distinguer, à nous la rendre si attachante. Shadows, dans sa vêture pop sertie de notes dark racées et « cordées », illustre bien le propos. Screaming beast, à sa suite, renvoie lui aussi cet éclat sombre, une splendeur nacrée de gris.
En fin de parcours Yes, I could use a glass of blood se poste entre allant, nappes de cordes à nouveau bien senties, et temps de « retombée ». Persiste l’impression, tenace, d’un album entre tons « classiques » et encarts qui bifurquent, construit avec panache. Le morceau groove et flotte, recourt à des abords fins comme ils peuvent, quasiment simultanément, prendre ombrage. On ne peut décrocher, l’attirance est récurrente. A letter to my lawyers, dernière pépite de l’équipe réunie par la belle, venant ensuite, suivant une ambiance déliée et sous-tendue, border l’opus en rayonnant. Glass Of Blood, habillé de onze morceaux à la suite cohérente, un brin (trop peu?) polissons en plus de se montrer rutilants, permet à Lisa Li-Lund, d’emblée, de poursuivre une aventure solo qu’on peut d’ores et déjà, sans grand risque de se tromper, lui prédire crédible et aboutie.
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