Niché à Bogota, adepte d’un bruitisme ici assez radical, Mula est un sextette incluant Juan Ignacio Arbaiza: Tenor Sax; Camilo Bartelsman: Drums; Santiago Botero: Bass; Diego Herrera: Laptop and synths; Enrique “Kike” Mendoza: Guitar et María “Mange” Valencia: Clarinet in Bb, Bass Clarinet and Alto Sax. Stridences et free-jazz, entre autres éléments musicaux au télescopage complètement clashé, en font une entité singulière dont Resiliente, d’abord sorti en 2017, est édité pour la première fois en vinyle par Dur et Doux « from Lyon » et donne un aperçu fidèle, libre et saturé, de ce que pratique le gang Colombien. Celui-ci avait d’ailleurs déjà croisé le fer avec Poil, en novembre 2018, pour un rendu lui aussi sans concessions, chez Dur et Doux déjà. Ici, le fracas est d’emblée de mise. Hija fait rugir les guitares, dures et féroces, laisse sa batterie cogner bancalement. Le saxophone déchire tout, ses lézardes fissurent un titre qui, miraculeusement, trouve son équilibre en dépit d’une posture sur le fil, précaire…et pourtant captivante car extrême, doté de groove et d’une identité qu’on ne dénichera nulle part ailleurs. Et qui, sous les coups de boutoir noise dépaysants de Siete, trouve une expression à nouveau attirante.
S’il parait destructuré, Mula parvient à dérouter, impose une formule qu’il m’a fallu dompter, rattraper au lasso, pensant l’avoir perdue. La réécoute est nécessaire, elle permet l’immersion et passé ce temps, on éprouve la satisfaction, conséquente, d’avoir du tout neuf à s’ingurgiter. Sonámbulo convulse, atteint des sommets de perforation sonore. Il en descend, puis se remet à crisser dans une étrange cohésion. Sa fin vire à l’orage noisy, zébré de pulsions triturées. Ataraxia, introduit par des voix d’ailleurs, évoque…le guacamole (« “diatribe sur le guacamole d’un français”). Il n’est fait que de bruits divers, chaotiques, que la batterie vient secouer. Le climat est unique, ici un peu trop âpre pour qu’il me soit donné de complètement l’apprécier.
Ca ne m’empêche guère, toutefois, de poursuivre le trip. Petricor, dans une sorte de drone prolongé qui grésille et oscille, développe une longue trainée sonique. Il donne, lui aussi, dans l’exigeant. Mondo barbian suit, il rue et place une union instrumentale noise à souhait, sans règles. Qui, sur la fin, s’intensifie encore pour finalement laisser des crépitements terminer le morceau. Resiliente est une expérience, potentiellement éprouvante quand elle se fait radicale, plus jouissive quand elle devient plus « accessible », j’entends par là moins poussée. C’est le cas avec Vagido, on constate quoiqu’il en soit que l’album, par son bruit à peine jugulé, purge l’auditeur. Le parfait remède, pour nous Européens, à notre ère cabossée. La parfaite BO, pour eux Colombiens, à un quotidien ardu, plus que par chez nous à vrai dire.
Hija de Remy, au airs hardcore secoués, vient bruisser une dernière fois. J’aime, quand Mula dévisse mais reste plus ou moins « à portée ». J’adore, même. Il m’arrive de décrocher, sur les temps où il dévie jusqu’à….me perdre. Mais son oeuvre, dont un excellentissime MATASESOS giclé en novembre 2019, vaut très largement une visite high-volume. On salue donc l’identité, forte, et la propension de Mula à évacuer le tracas par le biais de salves sans concession aucune, livrées depuis août 2013 et ce De carga pesada y patada fina déjà captivant, aux confins du tenu et de l’excessif.