Circassien, multi-instrumentiste touche-à-tout, Tsirihaka Harrivel a débuté en 2017 l’écriture de La dimension, pensé pour constituer la matière sonore d’une performance à venir. A l’arrivée c’est en fait une B.O. à l’envers, aux planances traversées de sons étranges, parfois angoissants, qui parfois s’animent et créent un univers singulier, se mettant à bruiter de manière déviante (l’excellent La Porte). La texture est électro, peut prendre des airs funestes, se parer de légèreté aussi. Après une amorce dispensable Je Tiens, au récit doté d’un joli contrepoint dans les voix, de sons fins et d’une cadence lascive, surprend. Dans ses voix, dans son enrobage. Moins innocent qu’il en a l’air, il grince et se fend d’envolées, de durée réduite, aigres-douces. La Porte, cité plus haut, amène alors son lot d’obscur contrebalancé par des vocaux ténus. Et ses incrustes dark, bienvenues. La dimension en a (de la dimension), il est audiblement personnel et assez décalé pour saisir notre attention. « C’est, pas souvent, que…j’vois des gens », clame Harrivel. Les textes, creuset à réflexions, intriguent et interpellent. La Voix en donne (de la voix), dans l’épars mais de manière éloquente. On y trouve, récurrente, cette touche tragique et des accents sombres, allégés par les motifs de décor.
La dimension fait des écarts, joue au trapèze avec les émotions. Minimal, il est néanmoins intense. Sympa l’est (sympa). Vivace, il oppose/allie ton fin et rythme affirmé. Electro-pop de choix, mots une fois de plus estimables et imagination dans les sons engendrent une issue de qualité. Au gré de contrastes bien pensés, le morceau se durcit, se saccade, bruisse et s’achève. Lui succède Hellohaloallo, l’heure de la pizza en somme (désireux de me comprendre, vous porterez attention à ses « lyrics »). Saugrenue et attractive, alerte et obsédante dans ses « Allo », la chanson assied l’étrangeté d’un Tsirihaka Harrivel qui performe, avec le son, d’une manière similaire, dans l’esprit, à ce qu’il entreprend dans son domaine premier. Il fait son cirque, se fait quelque peu théâtral et sincèrement, l’achat d’une place se justifie. Aux premières loges pour s’imprégner de son petit monde sereinement tourmenté (Tu T’Attendais), on ne regrettera pas d’avoir éventré le porte-monnaie. Je Sais, sur à peine plus de deux minutes, aura jeté ses airs célestes troublants aux voix malades. Serein, qui l’est (serein) aura fait son lyrique, sous couvert de fond gris, dans un brio vocal détonnant.
Photo Marie-Benoite Fertin.
Enfin La Nuit, sur un format plus long, aura drapé l’auditoire dans un coton…nuptial, langoureux, posément convulsif, jonché de sonorités déviantes. Lesquelles, acidulées et/ou volantes, j’entends par là légères, dressent un milieu affectant dont le mérite est aussi, régulièrement, de s’enhardir. Il évite ainsi le tout spatial, se fait énergique, s’encanaille avec à propos. « Weirdo » digne du label qui l’héberge, Teenage Menopause, Tsirihaka Harrivel pourrait pousser le bouchon plus loin encore, dévier de façon plus ouverte et fréquente. On ne lui en voudrait assurément pas, il se montre crédible dans l’écart et dans son art. La dimension, belle aventure sonore et musicale, vocale aussi, textuelle, le dote en tout cas de lauriers aucunement usurpés.